Nada avait dix-sept quand Ife fut achetée par sa famille comme domestique. Désormais quarantenaire, elle se remémore cette époque de sa vie avec le recul suffisant pour se rendre compte de l’erreur de penser que son comportement était normal en se basant sur le fait que tout le monde faisait de même. Car plutôt que domestique, Ife tient plus la place d’une esclave. Son quotidien n’est que labeur et humiliation. Si Nada n’est déjà pas tendre avec elle, ce n’est rien comparé à ce que lui fait subir Albertine, sa grand-mère, particulièrement violente et raciste envers la jeune éthiopienne.
Ma petit bonne dénonce la Kafala, cette forme d’esclavage moderne accepté au Liban et dans d’autres pays du Moyen-Orient, en plaçant sous le même toit deux jeunes filles du même âge, différente dans leurs origines et leur place dans le foyer. Si Nada est très autocentrée et ne songe pas un instant aux difficultés rencontrées par Ife, elle se confronte pourtant peu à peu à la dure réalité d’une pratique abusive qui enferme des jeunes filles dans une vie qu’elles n’ont pas choisi mais qu’elles subissent par devoir pour faire vivre une famille rester au pays.
En suivant l’évolution de Nada dans sa famille et sa communauté libanaise, le lecteur est invité à découvrir une culture et une façon de vivre différente, une société dans laquelle se confronte un fort désir de modernité et des traditions ancestrales. Au contact d’Ife, Nada prend bientôt conscience que la Kafala n’est pas le seul problème de leur culture, que la place des femmes en général est à redéfinir, de même que celle des homosexuels.
Jean-François Chabas signe un titre sensible et percutant, qui interroge sur le pouvoir des hommes dans les sociétés patriarcales, sur la place des femmes et le rôle qu’elles ont à jouer dans leur émancipation, en commençant peut-être par regarder les autres femmes comme leurs égales. Ma petit bonne est un récit essentiel qui met le doigt sur des problèmes de société actuels et une étude ethnologique intéressante sur les sociétés moyen-orientales aux prises avec leur désir de modernité écrasé par le poids des traditions.
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