Macbett, c'est l'histoire de Macbett, qui se rend compte que Duncan le roi est un dictateur, et qui donc se rebelle et lui arrache le pouvoir, afin d'imposer sa dictature.
Macbeth, la pièce de Shakespeare dont s'inspire Ionesco pour cette œuvre, racontait la naissance d'une ambition, et donc fatalement d'un tyran. Mais le mythe est repris admirablement par Ionesco, le dépassant même selon moi.
Le fait est que chez lui, les personnages sont tournés en dérision, et paradoxalement le récit en devient plus fort. Le ridicule de leur quête de pouvoir est plus que palpable. Les personnages sont tous persuadés de pouvoir faire mieux que les autres, tout en agissant exactement pareil. Ils accusent tous les autres de conspirer contre eux, une scène après avoir initié leur plan de trahison. Ils s'insultent (et vous pourrez faire un joli réservoir d'insultes à ressortir : "vipère à corne", "acrochordus" et "débile psychosomatique" figurant parmi mes préférées), puis se mettent d'accord, pour mieux se poignarder dans le dos ensuite. Il y aura des morts. Quelques dizaines de milliers il me semble, mais le plus important est de recevoir un remerciement sincère (enfin peut-être) du souverain. Alors ils culpabiliseront parfois, voyant en hallucination leurs anciennes victimes, mais le destin fait son chemin, et ils chuteront avant d'avoir compris qu'ils ne l'ont en fait jamais en main.
C'est là une grande force de cette pièce de théâtre ; le mélange entre des sujets graves, un aspect épique, horrifique parfois, et du comique un peu bêbête. Elle amène des réflexions intéressantes, sur le pouvoir notamment : tous les hommes ont-ils une ambition secrète de pouvoir au fond d'eux ? Tout roi (voire dirigeant en général) est-il destiné à devenir un cruel tyran ? Qui mérite le pouvoir ? Réflexions d'autant plus intéressantes à la lumière du contexte dans lequel est écrite la pièce, en 1972 en pleine guerre froide.
Macbett, c'est aussi une quête de sens, de vérité, que l'on ne trouve jamais réellement. Qui pourrait désigner à la fin les vainqueurs et les perdants de ce cirque ? On ne sait jamais qui conspire contre qui, qui tire vraiment les ficelles, qui a l'ascendant sur les autres. Lady Duncan ? Macbett ? Banco ? Duncan ? Les deux sorcières (qui sont-elles vraiment ?) ? Ou bien personne...
Je recommande donc TRÈS FORTEMENT Macbett d'Eugène Ionesco ; une pièce assez facile à lire, plutôt récente, poignante, et qui nous pousse autant à rire qu'à réfléchir.