Critique de Madame Chrysanthème par Armanie-Korin
Le beau monsieur, le beau.
le 20 févr. 2023
Il existe un nombre très important de sortes de mariages : le mariage normal, le mariage blanc, le mariage monogame, polygame, morganatique, ... Je m'arrête là car je n'épuiserai pas le sujet.
Mais Pierre Loti nous fait part dans son roman du mariage en CDD.
En effet, Pierre Loti jeune officier dans la marine Française débarque en 1885 au Japon et "souscrit", "s'engage" pour un mariage "arrangé" avec une jeune japonaise le temps du séjour au Japon du bateau soit donc quelques semaines. Tous calculs faits, puisque Loti précise de temps à autre des dates, ça devrait à peine faire deux mois pendant l'été.
Et il est loin d'être le seul officier à faire ceci car il semble que ce soit une tradition au Japon dans ces années-là. Ce n'est pas la première fois que je suis confronté à ce type d'aventure dans des romans relatifs au Japon. Déjà James Clavell, dans les années 1970, racontait des anecdotes de ce type-là dans son roman Shogun, qui se passe au XVIIème siècle.
Donc voici mon Loti à peine débarqué rencontrant un arrangeur de mariages le temps du séjour. Dans un premier temps on lui présente une fillette d'une douzaine ou quatorzaine d'années qu'il refuse et jette son dévolu sur une femme de 18 ans, Chrysanthème ... Bien ...
J'ai compris que c'était une opération très coûteuse pour le marié et qui ne pose pas de problème à la jeune fille pour trouver ultérieurement un mari japonais (en CDI, je suppose). Soyons positifs (et un tantinet grivois), cela est peut-être considéré comme une sorte de chemin initiatique pour la jeune fille, pourquoi pas. Comme en France, on va au lycée pour avoir le bac…
Malheureusement (encore mon aspect grivois), le roman ne rentre pas dans le détail de la consommation ou non du mariage. On peut supposer, quand même, que oui. Sinon, il manquerait peut-être quelque chose à la formation.
La bonne question à laquelle le roman n'apporte pas de réponse, c'est : s'il existait des femmes "matelotes" sur un bateau, existerait-il des mariages avec des (petits) garçons japonais ???
Evidemment, dans ces conditions, on peut s'attendre à ce qu'il n'y ait pas forcément de passion entre les deux partenaires, on est quand même plus dans la relation commerciale même si les apparences sont bien là pour établir et vivre une véritable vie conjugale…
En cela, le roman se distingue nettement de "Aziyadé" qui se passe en Turquie ou "le mariage de Loti" qui se passe en Polynésie où la passion est, cette fois-ci, très présente.
Attention, quand même au cas où un lecteur ou lectrice de ce présent avis, extrapolerait mes paroles, Loti distingue parfaitement ces femmes avec les Geishas (qu'il écrit Geshas) : on est vraiment dans la cadre d'un mariage avec contrat et avec des "filles de bonne famille", jamais mariées auparavant …
Toutes ces doctes considérations étant dites, le roman est extrêmement plaisant à lire. Le style de Loti est franc et direct, souvent onirique, n'excluant pas de temps à autre une pointe d'humour voire d'autodérision.
On le voit s'initier à la vie japonaise, être intégré dans une famille avec ses coutumes bien que le barrage de la langue soit un frein y compris avec l'épouse qui ne parle pas un traitre mot de français. Il y a de belles descriptions des maisons et surtout des jardins japonais ou encore des traditions religieuses et musicales.
A la fin, la décision d'embarquer tombe du jour au lendemain et, comme on dit, la "séparation de corps et de biens" se fait avec beaucoup d'amitié et sans une larme. Pierre Loti avait promis une dernière visite à Chrysanthème. Il la surprend en train de compter ses pièces de monnaie et d'en vérifier la validité. Tout n'est pas perdu.
C'est vraiment un roman étrange, qui a eu beaucoup de succès lors de sa sortie, semble-t-il, et que j'ai relu avec un quart de sourire amusé mais avec beaucoup de plaisir.
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Créée
le 9 avr. 2021
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