Micro critique
Une œuvre qui élèvera votre âme d'un cran. Soyez prévenus.
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le 3 janv. 2024
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Le chevalier d’Albert est un jeune poète débauché à la recherche d’un type féminin dont il veut faire un plat pour sa seule gourmandise… Mais pas n’importe quel plat ! le meilleur, le plus beau qui soit et rien que pour lui.
D’Albert concentre tout ce qu’on aime pas dans les grandes caricatures d’un poète : celui qui se voit au dessus de tout, sans émotion, froid, indifférent à tout, dédaigne le banal, rejette les salons bourgeois, rejette la vie en quelque sorte.
Quand les poètes ont généralement cette faculté à s’émerveiller de tout, à voir l’extraordinaire dans l’ordinaire, à voir le magique dans la banalité, lui rejette constamment son monde, portant ci et là des jugements sur le monde extérieur, n’appréciant la beauté que dans sa plus grande perfection, ou rien. Il ne recherche que cela, la beauté parfaite qui le rapprocherait de son paradis imaginaire.
Alors il attend, il attend cette beauté idéale. Il sera aidé par son ami épicurien (tout l’inverse d’Albert) qui le pousse dans un grand salon bourgeois où il l’incite à sélectionner une femme de salon.
Une d’entre elles retient son attention : Rosette, car elle est pleine de mystères derrière sa pudeur sans être niaise pour autant. Bien sûr, elle est d’une beauté assez exceptionnelle sans quoi d’Albert n’aurait même pas détourné son attention. Tout s’enchaîne assez vite dans un cadre spatio-temporelle mal défini, on sait seulement que Rosette et d’Albert jouissent momentanément de petites folies romanesques.
d’Albert est temporairement satisfait : il possède une belle maitresse, voila tout. Deux choses lui manquent cependant : leur relation n’est pas fusionnelle, et les petits plaisirs charnelles manquent d’éclats au fil du temps, mais surtout, Rosette n’incarne pas la beauté idéale qu’il désire tant. Oui oui, c’est tout ou rien avec d’Albert, soit il a le meilleur, soit il est fatalement déçu. On pourrait se dire qu’il faut être follement prétentieux pour en être là, mais ce n’est pas tant la prétention qu’un pur caprice d’artiste, celui qui veut la perfection pour la perfection, sans autre motif.
Cette perfection sera comblée par Théodore, un autre mystérieux cavalier qui survient dans l’histoire pour former un trio légèrement malsain entre d’Albert, Rosette et le nouveau venu.
Rosette et Théodore maintiennent depuis longtemps une relation semi-amicale semi-amoureuse, Rosette le désire plus que tout et Théodore la rejette sans s’expliquer.
D’Albert découvre avec émerveillement Théodore, à l’apparence masculine mais disposant de tous les traits féminins dont il rêve. Il en va de même pour sa personnalité qui est également androgyne, combinant les douceurs maternelles à une force et un courage visibles au travers de ses duels, de son habilité à la chasse…
Théodore bouleverse notre poète débauché qui voit son idéal matérialisé devant lui mais comprime son désir à l’intérieur.
La confusion des genres augmente encore avec une scène de théâtre, littéralement une pièce dans une pièce, jouée par Théodore déguisée en fille où il prononce des phrases énigmatiques pleines de sous-entendus rappelant la situation actuelle vécue entre Théodore et d’Albert.
C’en est trop pour d’Albert qui prend le risque de tout dire à Théodore, il dévoile le mystère, il sait qu’elle se travestit en homme, il lui dit clairement tout en déclarant son amour inconditionnel, un amour superficiel car uniquement fondé sur le physique mais bien réel dans la tête du poète.
Théodore fuit et ne répond pas, elle qui fuit la vie tout entière. Elle fuit les salons bourgeois où les femmes y sont trop rigides, elle fuit Rosette car c’est une femme et cet amour serait impossible. Elle fuit les hommes car ils sont rustres, brutaux derrière des faux semblants de prince romantique. Elle fuit un temps d’Albert mais … Ce dernier a deux originalités : il a découvert son secret et son âme de poète débauché lui plait, elle apprécie ceux qui recherchent un idéal, ce qui l’élève au dessus des autres hommes brutaux.
Elle consent de grâce et lentement une seule et unique nuit à d’Albert, uniquement pour assouvir son rêve, des petites caresses voluptueuses et se volatilise subitement le matin même, dernière fuite du roman.
Théodore s’explique dans une dernière lettre adressée à d’Albert : leur amour était fatalement superficiel, fondé sur la beauté et tôt ou tard une déception, un dégoût réciproque serait apparut, elle préfère donc le délaisser quand l’amour est au plus haut.
C’est une sorte de morale et d’apprentissage à d’Albert, elle le tourmente, le déstabilise mais lui apprend qu’il faudra chercher autre chose qu’un idéal de beauté dans sa vie.
C’est bien Théodore le personnage le plus intéressant du roman (ou Rosalinde, Mademoiselle de Maupin sous son identité bis), c’est elle qui comprend parfaitement les deux sexes qu’elle tente de concilier en vain par son caractère et son physique androgyne.
D’Albert est têtu du début jusqu’à la fin du livre, il déshumanise totalement les femmes, ce n’est pas qu’il les méprise, c’est qu’il les voit comme des statues, et il recherche seulement la plus belle de ces statues.
Sur le style, c’est un livre qui veut impressionner, c’est un mélange d’emphases, un peu pompeuse parfois, de phrases très directes par le style épistolaire, et de très belles et nombreuses métaphores tout le long du roman. Bref, il y a de l’audace, parfois cela réussit, parfois c’est lourd.
C’est surtout la forme qui là est inacceptable : ce roman est faussement épistolaire. C’est unilatéralement épistolaire, on connait vaguement le destinaire qui n’a aucun intérêt et qui ne répond jamais. Mais surtout, on n’indique jamais l’auteur des lettres, il y en a 17. Certaines lettres émanent d’Albert, d’autres émanant de Théodore… Sauf qu’on met du temps à s’en apercevoir, on comprend tout de travers souvent juste à cause de ça. Mieux encore, parfois certaines lettres sont des descriptions de l’auteur lui-même, ce qui trouble davantage.
Il aurait été si simple de mentionner l’auteur de chaque lettre mais non … Cela doit ajouter du charme de ne rien dire — « Débrouillez-vous c’est plus charmant comme ça » — Eh bien non en fait, cela n’apporte rien. Cela rend la lecture très désagréable sauf si vous savez à quoi vous attendre avant la lecture.
Pas de quoi détester le roman non plus, il reste beaucoup d’audace, d’originalité et de superbes métaphores qui à elles seules méritent la lecture.
Créée
le 26 déc. 2021
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