Mailman est un homme comme les autres, en apparence. Facteur de son état, il vit seul depuis son divorce. Il n'a pas d'enfant, pas vraiment d'amis non plus et son travail occupe toutes ses journées. Et Mailman, Albert Lippincott de son vrai nom, est du genre à ramener du travail à la maison. Car sa grande passion, c'est de lire le courrier des autres. Enfin ça, c'était avant que l'un de ses clients meure et qu'une jeune femme le surprenne essayant d'ouvrir la boîte aux lettres du défunt, pour remettre une lettre qu'il avait subtilisé.
On assiste donc à la lente descente aux enfers d'Albert Lippincott, entrecoupée de flashbacks sur les grands moments de sa vie : sa crise de folie alors qu'il était à l'université, sa rencontre avec celle qui est maintenant son ex-femme, son voyage humanitaire désastreux au Kazakhstan, son enfance à New York avec ses parents et ses relations ambiguës avec sa sœur.
Tout cela, c'est la vie de Mailman. Il est un loser, un raté, sans vraiment de passé et très certainement sans avenir. Il est pervers, bizarre, fou, solitaire. Malgré cela, on s'attache à lui. Malgré tous ses défauts, ses torts et ses travers, on se surprend à ressentir de la pitié pour cet homme qui aurait pu avoir une vie normale, s'il n'avait pas tenté de mordre son professeur au visage lorsqu'il était encore étudiant. J. Robert Lennon nous plonge dans la vie dérangée de cet antihéros qu'est Mailman, et on finit par l'apprécier un peu, le plaindre beaucoup, et espérer qu'il s'en sorte, surtout. Car au fond, Mailman n'est pas méchant, il a juste joué de malchance.
L'écriture prodigieuse de Lennon nous transporte dans les Etats-Unis de la seconde moitié du XXe siècle, entre la petite ville où habite Mailman et New York, en passant par la Floride, avec ce roadtrip mental et physique qui traverse par la même occasion la vie ratée de cet homme étrange. Le roman a beau faire près de sept cent pages, on ne s'ennuie pas une seule seconde à mesure que l'on découvre l'histoire d'Albert Lippincott. C'est un roman passionnant, hypnotisant même, qu'on refuse de lâcher avant d'avoir lu la dernière ligne et qu'on aimerait continuer à lire après.