Nous sommes à Francfort au début du XIXème siècle. A la mort de ses parents, Peregrinus Tyss s’enferme dans sa riche demeure pour y vivre dans le passé. Rêveur, timide et replié sur lui-même, le jeune homme éprouve surtout une crainte maladive envers les personnes du beau sexe. Pourtant un soir de Noël, alors que la tempête fait rage, Peregrinus fait une rencontre qui va bouleverser son destin, en le forçant à entrer enfin de plain-pied dans l’existence. Reste à savoir si ce monde-là est bien réel ou si c’est une fantasmagorie, l’un de ces rêves éveillés auxquels Tyss s’adonne avec plaisir. « En vérité, se dit-il, le plus extravagant des conteurs ne saurait imaginer circonstances plus folles ni plus embrouillées que celles que je viens réellement de vivre en l’infime espace de quelques jours. La grâce, le charme, bref, l’amour viennent au-devant d’un misogyne qui vit en ermite (…). Mais le lieu, le moment, tout ce qui entoure l’apparition de la séduisante inconnue reste si mystérieux qu’on croirait avoir affaire à quelque étrange sorcellerie ; et voilà que sur ces entrefaites, une créature minuscule et habituellement fort décriée fait preuve de science, de bon sens et même d’un pouvoir magique. » Car le personnage le plus étonnant de cette histoire est Maître Puce: non pas un humain quelconque affublé d’un surnom ridicule, mais bien le roi des puces, ce peuple miniature qu’un sorcier hollandais a réduit en esclavage pour les besoins de son spectacle de magie. Placé bien malgré lui sous la protection de Tyss, Maître Puce devient la conscience du jeune homme et lui offre une lentille magique permettant de lire les pensées les plus cachées du cerveau humain. Peregrinus pourra-t-il surmonter sa timidité et rencontrer enfin l’amour ?
Il y a un peu des "Mille et une Nuits" et des "Voyages de Gulliver" dans ce roman hoffmannien plein de fantaisie. C’est un assemblage bizarre qui tient du conte oriental sans rompre avec la terre allemande, ses tavernes et ses rues enneigées. Création hybride, l’histoire réussit pourtant à emporter l’imagination à travers des thèmes chers aux romantiques allemands, comme l’amour, la nature et le rêve. L’humour n’en est pas non plus absent grâce à la voix-off du narrateur; une légèreté qui étonne lorsqu’on connaît les circonstances de rédaction de l’ouvrage. Comment Hoffmann trouvait-il encore la force de plaisanter alors qu’une horrible agonie paralysait progressivement tout son corps ? En avril 1822, peu avant son décès à 46 ans, le grand conteur allemand livrait à la postérité ce dernier récit onirique.