La suite de L'Avenir d'une illusion, ouvrage dans lequel étaient explorés le rôle et la valeur de la religion. Cette dernière a pour but d'alléger les souffrances en rassurant les hommes.


On peut identifier trois origines de la souffrance : la nature, notre corps, et les relations sociales. Les deux premières sortes de souffrance sont plus facilement acceptables, car nous n'y pouvons rien. En revanche, on remarque une hostilité des hommes à ce qu'on peut nommer "culture" (Kultur, également rendu en français par "civilisation").


Cette hostilité vient sans doute du fait que la culture se fonde sur un renoncement pulsionnel de ses membres. Elle veut en effet que ses membres soient liés affectivement et pas seulement économiquement, et demande donc que l'individu renonce à l'amour familial au profit d'un amour indifférencié du prochain. C'est une des raisons pour lesquelles elle réprime le sexe.


Mais pourquoi une telle liaison affective est-elle nécessaire ? Parce qu'il faut bien reconnaître l'existence, en l'homme, d'un penchant à l'agression. Par conséquent, une liaison seulement économique (c'est-à-dire une liaison fondée sur des intérêts communs) ne peut suffire pour mettre en place une coexistence pacifique des individus. Ce penchant à l'agression est une manifestation de la deuxième pulsion fondamentale après l'Éros : la pulsion de mort.


L'intériorisation des interdits culturels est ce qui permet de refouler le penchant à l'agression. C'est là la source de la "conscience de culpabilité" et du "sentiment de culpabilité" (distinction allemande malheureusement peu claire en français). Le théoricien ici hésite entre plusieurs hypothèses. Le surmoi est-il seulement la reproduction intérieure de l'instance supérieure qui menaçait l'individu d'abandon ? Ou est-il le résultat du retournement - opéré par amour - de la pulsion d'agression vers l'intérieur (et on serait alors d'autant plus sévère avec soi, qu'on est peu agressif envers les autres) ? Les deux hypothèses ne sont pas contradictoires.


On termine en indiquant des pistes à suivre. Notamment, le parallèle entre psychè individuelle et psychè collective peut être exploré. Il est peut-être permis de parler d'un "surmoi culturel", et dans ce cas, peut-on parler de névroses culturelles ? Ce n'est pas impossible.


Dans tous les cas, la vigilance reste de mise, car la pulsion d'agression est bel et bien là, au fond de chacun de nous.





oaoao
8
Écrit par

Créée

le 26 mars 2024

Critique lue 12 fois

1 j'aime

oaoao

Écrit par

Critique lue 12 fois

1

D'autres avis sur Malaise dans la civilisation

Malaise dans la civilisation
Behuliphruen
8

L'espace d'un combat

Une fois le livre - ma première lecture de Freud - refermé, je demeure frappé par sa modestie. Modestie d'une forme brève et alerte qui, au parfait béotien que je suis, apparaît déjà comme un...

le 27 déc. 2020

3 j'aime

Malaise dans la civilisation
oaoao
8

Critique de Malaise dans la civilisation par oaoao

La suite de L'Avenir d'une illusion, ouvrage dans lequel étaient explorés le rôle et la valeur de la religion. Cette dernière a pour but d'alléger les souffrances en rassurant les hommes. On peut...

le 26 mars 2024

1 j'aime

Malaise dans la civilisation
psymo
8

Des bons et mauvais côté de la culture

L'ouvrage s'ouvre sur une critique concrète de la religion. Il est toujours plaisant de voir un intellectuel démonter la religion de manière logique. Ici Freud ne fait pas de dialectique, il annonce...

le 17 nov. 2018

1 j'aime

Du même critique

Apologie de Socrate
oaoao
10

Manifeste du Parti Philosophique

Texte fondateur. Socrate justifie la démarche qui est la sienne depuis des années : démasquer ceux qui prétendent savoir et ce, en dépit de sa propre ignorance. Tel est le premier point : Socrate...

le 21 mars 2023

1 j'aime

Ubu Roi
oaoao
3

Mystère Ubu

On m'avait dit que c'était drôle, absurde, original... J'ai trouvé le texte bébête, ras des pâquerettes, banal. Impossible, malgré tous mes efforts, de comprendre pourquoi on en parle encore.....

le 21 mars 2023

1 j'aime

Le Quai de Wigan
oaoao
10

Critique de Le Quai de Wigan par oaoao

Ouvrage en deux parties. La première propose une vivante description des conditions de vie des mineurs du nord de l'Angleterre. La seconde partie est théorique : Orwell analyse les dynamiques de...

le 1 oct. 2024