Des pruneaux dans le nougat
Après leurs déboires normands que nous avions suivis avec délectation dans « Malavita », les quatre membres de la famille Manzoni ont été relocalisés dans les alentours de Montélimar. Le programme de protection des témoins se devait de dissimuler Giovanni et les siens aux yeux des mafieux qui sont à leurs trousses depuis douze ans maintenant. Les traîtres doivent payer le prix fort surtout quand ils ont donné des noms au FBI. Maintenant les Manzoni s'appellent Wayne. Nouvelle identité mais bon sang ne saurait mentir et les vieilles habitudes ont du mal à se dissiper.
Giovanni alias Fred continue d'écrire et en est à la rédaction de son troisième roman – sous pseudonyme bien sûr. Il ne manque pas d'enrichir ses écrits d'anecdotes collectées dans sa vie passée alors qu'il était chef de gang de l'autre côté de l'Atlantique. Parfois une poussée de sang le prend et sa nature reprend le dessus. Ainsi, il ne vaut mieux pas être trop beau gosse si vous voulez entretenir la piscine familiale.
Maggie, son épouse, se rappelle avec nostalgie le temps où tous les chefs de famille de la Cosa Nostra se bousculaient pour être à leur table lorsqu'elle préparait ses aubergines à la parmesane. Personne, même les plus grands cuisiniers ne l'égalaient dans cette préparation. A partir de cette idée, elle va louer un local à Paris et lancer sa petite entreprise de plats à livrer avec cette seule spécialité qui va remporter un incroyable succès. Bien entendu, les grandes chaînes de restauration ne vont pas se laisser faire par cette nouvelle venue. Hélas, ils ne savent pas à qui ils ont affaire et l'avantage risque de basculer du côté de cette inconnue.
Les enfants, eux, poursuivent leurs propres vies, pas si sages que cela. Ainsi Belle, et ce n'est pas qu'un simple prénom, a reçu l'autorisation de poser en tant que mannequin sans toutefois jamais pouvoir laisser apparaître son visage. Elle poursuit concomitamment ses études de psychologie et dieu sait que c'est utile quand on est issue d'une telle généalogie. Elle va rencontrer son amoureux lors d'une séance où elle pose pour la jaquette d'un jeu vidéo dont il est l'auteur. Le jeune homme en question vit dans son monde, décalé et tourmenté, et Belle devra lui imposer un électrochoc pour le ramener à la réalité et stabiliser leur amour.
Warren, quant à lui, a toujours secrètement honte de la trahison de son père mais maintenant il lui a pardonné. Il est amoureux d'une lycéenne qui partage quelques cours avec lui. Elle s'appelle Léna. Mais comment attirer l'attention de Léna sur soi quand on est tenu d'être et de rester discret ? Warren fera des choix de vie qui ne plairont pas forcément à son père, mais il va construire un projet qui va lui plaire jusqu'à ce qu'un incident vienne tout remettre en cause. Et comme, bon sang ne saurait mentir, il va prendre un virage inattendu.
Bien sûr, un cinquième membre de cette famille est toujours là. C'est Malavita, la chienne qui veille placidement sur la petite troupe. De même, Peter Bowles est le seul agent du FBI qui assure la sécurité dans le cadre du programme. Il suit tous leurs faits et gestes – surtout ceux de Fred, allez savoir pourquoi... - et il a également accès à presque toute leur intimité. Leur protection est à ce prix, bien lourd parfois. Douze ans que ca dure et Fred va peut-être voir une issue honorable quand il aura la vision de ce que chacun pense réellement de lui.
Les repentis, joli thème qui a donné lieu à des tas de romans et à encore plus de films et de séries télévisées, mais Tonino Benacquista a su en faire le décor de fond d'une remarquable histoire. De l'humour le plus noir à la recherche de la personnalité profonde des personnages, il a su, avec ses talents d'auteur reconnus, faire de « Malavita » et de « Malavita encore » une mini-saga sur les repentis de la pieuvre. Il a su également nous rendre attachant des personnages peu recommandables et brutaux en nous en présentant les traits humains même si leurs mains sont parfois encore dégoulinantes du sang de leurs victimes. Une réussite littéraire, bien agréable à lire.