Un bouquin très court, écrit avec des mots simples mais qui vont droit au but, poignant. L'histoire (réelle, c'est en quelque sorte l'autobiographie de Jennifer Yezid) de ce qu'il faut bien appeler une violence policière, et, surtout, de ses conséquences. Violences exercées sur une fillette de 8 ans, qui conduira à sa mort, à l'occasion d'un interrogatoire pour le moins musclé, parce que son grand frère était soupçonné d'avoir volé une mobylette ou quelque chose comme ça. Ça s'est passé en France il y a 50 ans. Inutile de préciser que les coupables ont été couverts par leur hiérarchie et l'institution judiciaire. Et on ne peut pas dire que les choses aient vraiment changé depuis lors : si ça s'est calmé (un peu) dans les années 80 suite à l'assassinat de Malik Oussekine, c'est reparti de plus belle depuis une petite dizaine d'années.
La fillette en question, Malika, était issue d'une fratrie de sept enfants, dont les parents avaient émigré depuis l'Algérie dans les années 60. Ils sont tous peu ou prou de ma génération ou devrais-je plutôt dire ils étaient, car ils sont tous morts et pour la plupart d'entre eux depuis plusieurs décennies. Des sept, la seule à avoir une descendance fut la mère de Jennifer Yezid, séropositive, toxicomane, incarcérée pendant sa grossesse et qui se suicida alors que sa fille avait un an et demi. Cela résumant assez bien le sort que connut la famille Yezid dans sa quasi-totalité après le meurtre de sa benjamine. On notera au passage que pour ce qui est du grand remplacement, ça ne le fait pas vraiment.
Le bouquin résume en définitive le parcours personnel de Jennifer, placée très jeune en famille d'accueil et qui va découvrir peu à peu l'histoire de sa famille biologique, en rencontrant sa grand-mère et son frère ainé, encore en vie dans les années 2010. C'est très sombre, on s'en doute, et pour autant parfois illuminé de fugitifs moments de bonheur, autant d'instants de grâce dans une vie à laquelle la société n'aura jamais accordé la moindre chance. D'une grande dignité aussi, ce témoignage d'une personne qui, refusant se résigner à l'injustice et à l'oppression, et qui coûte que coûte tente de renouer le fil de sa vie, si fragile.