Dans une Amérique dystopique, Stephen King reprend son blase secondaire Richard Bachman pour nous entraîner dans une compétition annuelle opposant cent jeunes gens, tous de moins de 18 ans, où le dernier à continuer à marcher en ressort vainqueur. Mais hélas... Ce jeu, très largement médiatisé dans un pays en liesse à l'approche de la "Longue Marche", ne se fait pas sans en payer un lourd tribu... Prenez trois avertissements suite à une vitesse de croisière trop faible ou un comportement suspect, la mort vous attend au tournant, donnée par un groupe de militaires gardant attentivement l'œil sur vous. Mais pourquoi participer à cette marche si le prix à payer en cas de défaite est si lourd ? Retournez dans le passé, à l'époque où vous aviez moins de 18 ans... les rêves de grandeur, de popularité et de richesse vous y ont déjà titillé, plus encore qu'aujourd'hui sans le moindre doute, tout ambitieux que vous y étiez ; la "Longue Marche" et son organisateur, le commandant, « un sociopathe entretenu par la société », vous promettent en récompense la satisfaction de tous vos désir jusqu'à la mort que vous avez su éviter au cours du jeu.
Ainsi peut se résumer, sans nom aucun, la trame de Marche ou crève, roman majeur de Stephen King (Richard Bachman ici). Un fil rouge simple, auquel l'adhésion est immédiate ; l'action omniprésente ne laisse pas au lecteur le temps de s'ennuyer (jamais l'intrigue ne s'arrête), des personnages attachants, dont on regrette d'être spectateurs de leur exécution, le suspens installé, un rebondissement toutes les cinq pages...
Et un fabuleux essai sur la mort. Quelle valeur a notre vie autour d'une centaine d'autres ? Que sommes-nous parmi cent autres marcheurs, qu'ils soient concurrents ou amis ? Pourquoi la mort ou son appréhension nous rendent aussi ingrat et individualiste ? Tant de questions se posant au travers d'une "Longue Marche" aliénante et opprimante, au cours de laquelle aucun repos ne vous est accordé : marchez, ou soyez abattu comme un chien et abandonné sur la route, autour de tant de camarades d'infortune reclus dans leur désir de survie et de popularité.
Marche ou crève est un tour de force de Stephen King, dans lequel, sans plonger dans son habituelle maîtrise de l'horreur et de la science-fiction, s'offre à nous cependant toute l'étendue de son univers froid, effrayant et malsain. Un chez-d'oeuvre.