Le plaisir à en perdre la tête.
Pourquoi lire cette biographie écrite par l'écrivain Stefan Zweig sur la dernière reine de France ? Qu'est ce qui différencie cet ouvrage des autres traitant de la vie de Marie-Antoinette ?
Comme l'auteur le précise à la fin de son livre dans la postface, le choix des sources de documentation et les correspondances épistolaires ont tenu un rôle primordial dans la création de cette biographie. Zweig a opté pour des éléments restreints en nombre mais à l’authenticité inattaquable. Il en découle un livre extrêmement cohérent où l'auteur comble les vides de l'histoire avec une acuité intellectuelle remarquable et une empathie profonde. Ses analyses, quant aux motivations de ces personnes entrées dans l'Histoire, sont tout à fait argumentées et convaincantes.
Même si le livre se concentre sur Marie-Antoinette, il n'en oublie pas son entourage proche, acteur décisif dans l'évolution de son caractère et de ses sentiments. Zweig ne s'égare pas dans un énième cours d'histoire, avec accumulation de dates et digressions intempestives, il cerne son sujet au plus près, préférant l'approche psychologique à la simple énumération de faits exhaustifs. Une aura romanesque se dégage de l'écrit, prouvant une fois encore que la réalité est un fabuleux matériau pour qui sait le façonner.
Sans jamais tomber dans le racoleur ou le spectaculaire, le morbide ou le misérabilisme, l'auteur garde ses distances avec son sujet, sans prendre partie. A aucun moment il ne dénonce ou encourage, pardonne ou accuse. Il n'y a pas de coupable, car personne n'est tout à fait innocent.
La formidable richesse de la documentation couplée à l'analyse ne seraient rien sans l'écriture racée de Zweig qui approche son oeuvre des sommets. Riche et concis, sans emphase ni lourdeurs, le style de l'autrichien est d'une fluidité rare. Cette merveilleuse écriture du XIXè siècle apparaît ici dans tout ce qu'elle a de plus éloquent. C'est un savoir faire cauteleux, une attitude face au travail méthodique et passionnée qui ont dû animer Stefan Zweig pour qu'il puisse accoucher d'une oeuvre aux accents si intemporels.
Après mes adieux à la reine, je vogue vers d'autres rivage en compagnie de Magellan qui, j'en suis convaincue, saura tout autant me faire voyager.