- Marie Curie, déjà veuve depuis plusieurs années, s’apprête à recevoir son deuxième prix Nobel quand le scandale éclate. Un fascicule d’extrême droite révèle sa liaison avec Paul Langevin, scientifique de renom, et surtout homme marié et de 5 ans son cadet. S’en suit un emballement médiatico-populaire qui donnera lieu à lapidation de la maison de la "veuve illustre", plusieurs duels et des remous jusqu’aux sommets de l’Etat et du jury du Nobel.
Pourtant, il reste aujourd’hui peu de traces de cette liaison. Pour tenter de comprendre les dessous de cette affaire, Irène Frain s’est plongée dans des archives inédites : les carnets de compte de Marie Curie, quelques daguerréotypes oubliés, les roman de Camille Marbo, qui a vécu ces événements de près. Elle en tire un roman qui alterne portrait documenté d’une époque et récit extrapolé d’une passion amoureuse.
Et le résultat de ses recherches est un livre passionnant. On revit cette grande époque des avancées scientifiques, on côtoie les époux Curie, Paul Langevin, Jean Perrin, on croise Albert Einstein, on entrevoie les dessous de la première des rencontres de Solvay (qui poseront les bases de la mécanique quantique). Irène Frain met en lumière tous les éléments du contexte, les combats politiques, les séquelles laissées par l’affaire Dreyfus avec une nette fracture entre pro et anti, le développement de la presse et l’apparition d’une forme de sensationnalisme. Elle montre à quel point, pour ces grands génies, la recherche du progrès scientifique allait de pair avec une volonté de progrès social, un besoin de repenser la société, l’éducation, etc…
L’auteure s’attache particulièrement à la psychologie de ses personnages, tente de deviner pour chacun les dessous de son comportement, remonte leur histoire ou s’insinue dans leur vie de famille. C’est là la limite que je trouverai à ce livre : mêler si intimement vérité historique et extrapolation romanesque que l’on ne sait plus vraiment ce qui relève du fait ou non. Mais Irène Frain prend les devants, en racontant pas à pas sa démarche, ses recherches, et en rappelant bien qu’un certain nombres d’éléments relèvent de son interprétation d’auteure.
Et à part ce détail, c’est vraiment un roman à conseiller. Il se lit d’une traite, avec pas mal de suspens dans la manière d’amener et de raconter les événements de 1911. L’occasion de se rendre compte que la violence médiatique, le bad buzz, la calomnie et la rumeur n’ont pas attendu les réseaux sociaux, loin de là. Et que certaines questions, comme la place des femmes à l’Académie, ont soulevé des querelles d’une violence qui n’a rien à envier à nos débats actuels.