"Quos Deus perdere vult", quand une vie et un destin s'entre-choquent.

Cette biographie est en fait une tragédie. Les actes défilent, ceux de la vie de Marie Stuart, et tout le mouvement de cette vie-oeuvre tend vers une fin inéluctable et connue, vers la réalisation d'un destin. Fatal récit.

Si le sujet se prête à la tragédie racinienne (de grands personnages, pris dans un tourbillon fatal que leurs propres excès ne pourront que renforcer, et qui ne sera apaisé qu'une fois que le bourreau aura fait son office), cependant, cette biographie n'en a pas l'esthétique : C'est dans l'intimité psychologique que Stefan Zweig nous fait entrer à l'occasion, entre deux moments plus spécifiquement dédiés à l'exposé historique. Sans doute l'écrivain a-t-il été influencé par Sigmund Freud, comme le furent les lettres et les sciences humaines à l'époque (Zweig écrit vers 1934, de mémoire).

La reine est présentée comme humaine, dans toutes ses contradictions là encore fatales. Défendre son rang royal ou revendiquer le droit à vivre en humaine, alterner les épisodes de liberté ensoleillée et des temps à la merci des hommes, excessifs, et du destin, implacable... "Tragique", voilà le mot pris de la plume même de S. Zweig qui établit souvent le parallèle avec Hamlet, du contemporain, William Shakespeare, de cette reine fantasque. Aurait-elle été une source d'inspiration pour les oeuvres de sa période la plus sombre ? C'est une hypothèse que Zweig ne rejette pas.

Dans ce récit, le narrateur est roi. Il est bien informé, comme on pourrait l'attendre d'un biographe, il cite même quelque fois des sources, mais évidemment sans la référence, impossible de vérifier.

La "grande Histoire" a broyé l'individu pour faire naître une reine, un mythe inscrit dans l'éternité de la mémoire collective, objet façonné par son époque. C'est pour ça qu'établir une biographie vraiment scientifique est un exercice difficile, toutes nos représentations orientent le récit d'une vie pour en faire un destin et combler les vides documentaires.

S. Zweig est un homme de lettres," historien" parce que conteur, il nous offre ici une histoire instructive. Mais ce qui distingue cette biographie parmi d'autres, c'est tant sa qualité littéraire d'une efficacité dramatique dans un texte englouti par les détails (voilà le talent du conteur, moyennant quelques passages tout de même où il faut s'accrocher pour ne pas lâcher), et que son intérêt philosophique, via la présentation de l'esthétique d'une vie, c'est une réflexion sur la condition humaine.
Psan
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le 15 juil. 2012

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