Cela fait plus de deux ans que je me suis mis à lire, non pour plaire à une jolie demoiselle, mais plutôt dans le but d’être davantage cultivé, voyant bien que mes connaissances étaient proches du néant comparativement à un certain camarade de classe qui deviendra plus tard, un ami, cette activité que je fis dans un premier temps avec un but en tête, devint rapidement un plaisir, qui fit naître en moi un désir, celui d’en apprendre davantage. C’est peut-être en ça que je ressemble à Martin Eden, et c’est peut-être la raison pour laquelle cette œuvre m’a tant marqué.
(si vous ne voulez pas vous faire spoiler, il vaut mieux ne pas lire ce qui suit.)
Martin est un beau et jeune marin qui va un beau jour tomber amoureux de la jolie et douce Ruth. Ruth est une jeune (bien que légèrement plus âgée que Martin) bourgeoise dont le frère a été sauver un soir par Martin, dès sa rencontre avec cette dernière le jeune marin ne pourra s’empêcher de rougir, Ruth est charmante, mais elle est surtout l’opposé des filles (marquées par le travail) avec lesquels Martin a eu des aventures, Ruth aime la poésie, a des mains douces et étudie la lettre à l’université, alors que Martin n’est même pas allé au lycée.
En se rendant compte du fossé le séparant de sa dulcine, Martin décide de faire quelque chose, il se met à lire, à changer sa manière de parler remplit de tique de langage, s’achète de nouveau vêtement et se met à apprendre l’ensemble des codes régissant le monde dans lequel vit Ruth.
Durant ce périple intellectuel, née une véritable passion, qui fera apparaitre chez notre héros la volonté d’écrire, s’ensuit ainsi l’entrée de Martin dans un nouveau périple.
Mais le jeune protagoniste n’abandonne pas, il a décidé qu’il serait écrivain et il le sera, même si pour cela il devra faire face à la machine que sont les maisons d’éditions, mais surtout il devra faire face à ses proches, le traitant de fainéant alors qu’il ne dort que 5 ou 6 heures par nuit, lui disant de trouver une situation et ne croyant pas à son rêve de devenir écrivain. Même la belle Ruth tombé enfin sous le charme de Martin, ne verra son rêve d’être écrivain, que sous la forme d’une entrave à leur amour.
C’est ainsi que Martin se retrouve seul, seul à souffrir du manque, seul à souffrir de la faim, seul à souffrir des autres.
« L’enfer c’est les autres » prend ici tout son sens, on le méprise et il devient un paria, alors que sa seule faute aura été de croire en lui-même et en son rêve de vivre de ses écrits.
Mais contre toute attente les écrits de Martin, après nombre de péripéties, connaissent un succès fulgurant, fini le manque, fini le méprit, Martin est maintenant invité lors de diners mondains en son honneur. Cependant ces bourgeois qu’il admirait autrefois, et qui le méprisaient, ne lui semblent aujourd’hui que des individus peu éclairés, critiquant des auteurs sans même les avoirs lues, et qui se complaisent dans leur sphère de connaissance, acquit uniquement au cours de leurs années d’études, sans même chercher à s’enrichir intellectuellement plus qui ne le faut.
Ruth qui l’avait quitté (faute d’avoir trouver une situation), revient alors à lui, ses sœurs qui lui disaient de trouver une situation reviennent elles aussi, alors que Martin devrait être au comble du bonheur, il sombre en réalité dans une dépression grandissante, sous le signe de l’incompréhension, ce qui est marqué dans le récit par la répétition d’anaphore où Martin crie son déchirant « J’étais le même ».
Car, en effet, Martin n’a pas changé, certes évolué intellectuellement, mais il n’a pas changé, les récits pour lesquelles il est aujourd’hui connu, il les faisait déjà lire à Ruth des années avant. Mais pourquoi alors son entourage et l’ensemble des êtres humains lui vouent maintenant une véritable consécration alors qu’il n’y a pas longtemps, lorsqu’il était au plus bas, il ne recevait que leur dédain.
Véritable questionnement sur la nature humaine qui ne débouche que sur une triste situation, Martin ne désire plus rien, car rien de tout cela n’a de sens. Et si tout cela n’a pas de sens pourquoi vivre alors…