Un récit dans lequel l'auteur a mis toute son âme, pour décrire un homme, Martin Eden, mettant toute son âme dans ses récits. C'était la première fois que je lisais un livre me faisant serrer parfois le poing tant on est face à un homme tombant lancinement,dans les limbes de la vie d'artiste.
Nous suivons Martin Eden, jeune homme pauvre et vulgaire qui d'un coup décide de séduire une bourge par amour et donc décide de sortir de sa classe par la culture. Il se met à lire, à comprendre, à cultiver son esprit.
Et il finit par avoir la fille, là dessus c'est très romanesque et on pense être parti dans un récit de transfuge de classe rappelant La Place d'Annie Ernaux.
Le récit est simple, plein de descriptions de la bassesse humaine des personnes ne croyant pas en Martin sans pour autant tomber dans un misérabilisme. Martin est attachant, il semble niais mais l'auteur ne tombe pas dans un manichéisme tant il renverse régulièrement les a-priori qu'avait le jeune Martin sur le monde bourgeois. Puis, il se met à écrire, c'est le basculement. Il écrit pour contrer une médiocrité dont il se rend compte petit à petit de l'existence.
Et c'est ce qui est grandiose. En ajoutant quelque synthèse de son bouillonnement intellectuel que London a eu toute sa vie, nous assistons à un développement absolu de Martin qui comprend la médiocrité d'une classe qu'il tente vainement d'atteindre et qu'il ne peut habiter, ses écrits sont refusés par dizaine et on assiste à un récit lancinant de Martin écrivant, postant ses écrits, n'ayant plus un sous, mettant en gage ses affaire, reprenant ses gages quand quelque dollars parviennent d'un quelconque poème qu'il a composé. Il finit usé par tous ces vas-et-vient et par l'hypocrisie des bourgeois dont il se sent en tout point supérieur.
Son amoureuse Ruth, belle, intelligente mais affreusement superficielle rappelle le "drame bourgeois" nietzschéen. Martin souhaite écrire le réel, ce qu'il vit au quotidien de pauvre ce qui horrifie la jeune fille qui étant d'abord fasciné par lui, finit par le détester, elle qui est persuadé qu'il n'a aucun talent pour l'écriture. London a réussi à faire une oeuvre romanesque bouleversante certes biographique mais qui arrive à parler du destin, du déterminisme social et du caractère ambivalent des relations humaines pouvant être sublimes ou sordides.
Au moment où sa gloire arrive enfin, comme ce n'est pas ce que Martin recherchait, il finit par se laisser noyer, non pas à cause de mois de privation mais par dégoût du monde des hommes.