Max, de Sarah Cohen Scali : un roman audacieux au cœur du IIIe Reich
Nous commençons à suivre Max (qui préfère largement qu'on l'appelle Konrad, prénom beaucoup plus digne d'un aryen dur comme l'acier) alors qu'il est encore dans le ventre de sa mère. Nous sommes en 1936 et il a été conçu dans le cadre du programme Lebensborn destiné à concevoir de parfaits petits aryens en sélectionnant soigneusement leurs parents, et en les soumettant à une éducation nazie dès le plus jeune âge, afin qu'ils deviennent plus tard les cadres du régime et des combattants. Ainsi, dès sa naissance, Max est dévoué au Führer et assimile totalement la doctrine nazie. Dès son plus jeune âge, il n'aura de cesse de se mettre en danger et de servir de son mieux Hitler lors de diverses missions...
Ce roman historique a un ton particulier qui le distingue de tous les autres. En effet, le personnage est un parfait petit nazi, et il affirme ses convictions sans se soucier du politiquement correct et de la sensibilité de ses lecteurs. En d'autres termes, il ne mâche pas ses mots, et c'est à la fois dérangeant et jouissif. J'ai trouvé très intéressant le fait de découvrir la Seconde Guerre Mondiale par le prisme d'un personnage nazi, cela lui donne une autre perspective. En filigrane, on retrouve les grandes étapes de la guerre : l'invasion de la Pologne, la nazification des enfants des pays conquis, Pearl Harbor, les camps de concentration, l'avancée russe et leur arrivée à Berlin...
Mais ce qui m'a le plus passionnée, c'est l'évolution personnelle de Konrad/Max. On le suit tout d'abord à la pouponnière, dans les bras de sa mère. Puis, âgé de 4 ans, il part en Pologne où il découvre la situation locale. Il ira ensuite à l'école, où il sera forcé de reconsidérer ses convictions sur les Juifs, puis à l'école militaire, la Napola, pour finir errant dans un Berlin en ruine à la fin de la guerre. Il passe par tout un tas de péripéties qui donnent du rythme au roman. Seule la fin m'a laissée un peu sur ma faim, je l'aurais souhaitée un peu plus étoffée. Mais en même temps, il fallait bien finir à un moment ou un autre, et je n'en avais pas envie.
Konrad/Max est un personnage fascinant. Lorsqu'il n'est encore qu'un bébé, son esprit est totalement imprégné du nazisme dont il ne remet aucun précepte en cause. Puis, alors qu'il grandit, qu'il gagne en capacité de réflexion et qu'il fait ses propres expériences, sa personnalité se complexifie de plus en plus. Le doute s'insinue en lui et il commence à penser par lui-même. Il souffre aussi, à sa manière, et voilà pourquoi à aucun moment on n'arrive à le détester. Autour de lui gravitent plusieurs personnages, les principaux étant le docteur Ebner qui a réellement existé, et Lukas qu'il considère comme son frère.
En ce qui concerne le style, j'ai été très sensible au ton caustique du roman. Le narrateur a un côté cynique assez réjouissant. Régulièrement, l'auteure utilise des mots ou expressions allemandes qui contribuent à créer cette atmosphère particulière. Ce roman se lit bien, et s'il n'est à conseiller qu'à de grands ados (à partir de 14/15 ans), c'est davantage pour la dureté de son propos et son épaisseur que pour son écriture.
Ainsi, j'ai adoré ce roman historique pas comme les autres et ce personnage de petit nazi qui, malgré ses principes et sa carapace, se cogne à la vie et ne peut s'empêcher de ressentir la souffrance et l'injustice autour de lui. J'ai été complètement séduite par le ton particulier du roman, assez cynique, à la fois réjouissant et dérangeant. Ce n'est ni plus ni moins qu'un joli coup de coeur.