Belleville, c'est déjà ça
Ma foi, je suis resté un peu sur ma faim.Je n'avais lu de Sabrina Calvo, m'ai l'avais déjà entendu parler en festival, et j'en avais entendu du bien. Ce roman m'avait d'ailleurs été chaudement...
le 10 mars 2023
Melmoth Furieux, ce n’est pas l’histoire de la revanche d’une héroïne sur son némésis, ce n’est pas non plus le récit de la lutte collective contre le fascisme. C’est une œuvre entre les deux, un roman qui essaie de saisir le rouage qui articule tout ça. Bienvenue dans cette TIQUE.
Le Melmoth du titre est aussi celui du personnage principal du roman de Maturin, Melmoth the Wanderer (Melmoth le voyageur), publié en 1820 et celui du Melmoth réconcilié de Balzac, publié pour sa part en 1835 et qui se veut une suite spirituelle. Dans ces histoires, Melmoth est un humain devenu une sorte de démon grâce à des pouvoirs obtenus via un pacte avec le diable. Dans le roman de Calvo, publié en 2021 chez La Volte, il est un adversaire, figure démoniaque là aussi, qui se fait l’incarnation de la destruction de la liberté que cherchent les protagonistes, et avec elleux, Belleville.
Nous y suivons Fi et quelques personnages dans la Commune Libre de Belleville, zone auto-gérée qui a fait sécession et lutte contre un État devenu très autoritaire, voire fasciste. Fi, suite à la mort de son frère, décide d’aller brûler Disneyland, bastion des milices et lieu d’exploitation à la limite de l’esclavage. Le livre présente d’ailleurs une structure assez originale pour suivre ces récits : avant chaque chapitre, nous est conté l’assaut contre Disneyland, dont la préparation constitue l’intrigue principale, elle-même développée dans le gros de chaque chapitre.
Fi en tant que personnage principale est assez atypique. Nous sommes plongé•es dans ses pensées grâce à la focalisation interne et pouvons donc admirer tous ses ratés. En effet, un des points sur lesquels insiste Calvo, c’est que ses personnages font parfois des erreurs, qu’iels ne sont pas parfaits, loin de là. Fi est donc angoissée, obsessionnelle, égoïste, cabossée, mais aussi tendre, passionnelle, déterminée, courageuse. Alors elle gère comme elle peut le chaos de la situation.
Un des points d’intérêt de l’histoire tient à ce qu’elle ne fait pas vraiment partie de la Commune, qu’elle est venue en premier lieu ou enquêter sur la Souris Noire, organisation mystérieuse sur laquelle on apprendra plus au long du roman. Ainsi, si elle apprécie les idéaux de la Commune et s’y retrouve par certains aspects, elle n’est pas tant intéressée par sa subsistance en tant que telle – même si elle s’oppose à l’État. Elle va donc devoir se créer une place, ce qui passera par la couture (un point commun qu’elle partage avec Calvo, elle-même couturière), tout en gardant en tête son objectif, ce qui aura tendance à faire passer sa quête personnelle avant les intérêts collectifs. Fi est donc effectivement à l’intersection de la lutte contre l’État et l’organisation de la Commune, dans une position proche de la marge mais tout de même impliquée.
Cependant, ce qui porte Melmoth Furieux, ce n’est pas tant son histoire, qui verse lentement vers le fantastique à la limite du réalisme magique, mais c’est son style. Entre familier et poétique allant jusqu’à l’argot, il prend aux tripes et porte à lui seul tout le roman. C’est bien là qu’est la réussite de Sabrina Calvo : nous asséner des claques avec ses phrases, qu’elles soient belles, pleines de désespoir ou de colère, ou juste amusantes.
Aussi flamboyant soit le style, il arrive pour autant qu’il devienne complexe de suivre ce qu’il se passe tant on entre dans la poésie pure. Idem, les quelques scènes d’action sont très brouillonnes, et peut-être pas volontairement. On regrettera aussi la présence très importante pour l’intrigue d’un homme (même si certains de ses aspects sont très sympathiques), qui teinte un peu d’hétéronormativité et d’habituel l’histoire. C’est dommage car de nombreux personnages queers sont par ailleurs présents – dont Fi, et la plupart des femmes sont très cool (même si on n’échappe malheureusement pas à la maltraitance et la mort d’une personne trans). Par ailleurs, le roman inclut aussi un certain nombre d’enfants très chouettes, ce qui est assez rare pour le noter. La fin, pour sa part, est particulièrement marquante et accentue encore le côté politique du roman.
Malgré ces quelques griefs, Melmoth Furieux est un excellent roman, qui saura vous transporter si vous vous accrochez et qui risque fort de devenir l’un de vos livres préférés !
En plus, l’autrice est trans !
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Créée
le 2 mai 2022
Critique lue 79 fois
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