Tout commença au théâtre du Capitole, dans le cadre du Marathon des Mots. Dominique Blanc, de la Comédie Française, faisait une lecture publique du dernier livre d'Annie Ernaux, Mémoire de fille. Grande lecture par une grande lectrice. Un flot de mots ininterrompu, une attention et tension palpables, et puis un tonnerre d'applaudissement. Et puis des larmes d'émotion, celles d'Annie Ernaux présente ce soir là, qui se lève d'une seule femme.
Cette scène est primordiale pour comprendre cet ouvrage. Mémoire de fille n'est pas un simple objet littéraire, il est Annie Ernaux, la véritable. Il la contient. Il met en jeu sa personne. « Je ne construit pas un personnage de fiction. Je déconstruis la fille que j'ai été ». C'est de cette manière qu'Annie Ernaux s'exprime, au détour d'une page. Cette fille, c'est celle de 58, à S. Lorsqu'elle vit sa première expérience amoureuse et sexuelle. Cette fille, c'est celle qu'était Annie Ernaux. C'est celle qui se dévoile à elle-même, et pour nous.
Cet ouvrage est à considérer comme un véritable exercice sur soi, mené par l'écrivaine.
En plus de cela, ce roman est une recherche sur l'écriture. De nombreuses réflexions viennent ponctuer le récit. « C'est l'absence de sens de ce que l'on vit qui multiplie les possibilités d'écriture », affirme ainsi l'auteure.
D'un style très fluide, suivant une entreprise fort intéressante, cet ouvrage est extrêmement plaisant à lire. Très fort, très intime, le lecteur plonge, la tête la première,dans cette expérience, qui flirte avec le voyeurisme.