"Les mémoires d'Hadrien" est un roman sur la sagesse comme l'indiquait elle-même l'autrice, tout en déplorant le fait que la volonté d'accéder à la sagesse n'était plus une préoccupation moderne. Et elle ajoute dans le cas de l'empereur Adrien que cette sagesse est emprunte d'humanisme.
On est au crépuscule de la vie de l'empereur Hadrien. Ce dernier écrit à son petit-fils adoptif et successeur présomptif, Marc-Aurèle. Ecrit à la première personne du singulier, c'est le récit d'un homme qui souhaite mieux se connaître avant de mourir.
Publié en 1951, "Les mémoires d'Hadrien" n'est pas la première oeuvre de la future académicienne. Toutefois, elle projette depuis longtemps de conter la vie du plus humaniste des empereurs romains, Hadrien. Ainsi, un manuscrit est déjà envoyé en 1925 à des éditeurs qui le refusent. Déçue, Marguerite Yourcenar détruit cette première ébauche pour publier bien des années plus tard une nouvelle ébauche au succès indéniable et mondial. Elle admettra dans ses carnets qu'elle était alors trop jeune pour se lancer dans une telle entreprise.
"Les mémoires d'Hadrien" est beaucoup plus qu'un roman historique. C'est avant tout le portrait d'un homme qui va s'éteindre. L'amour, la mort, le pouvoir, le bonheur, les regrets.... Avec ce roman, le lecteur découvre un homme qui n'a plus que quelques jours à vivre et qui décide donc d'écrire une lettre à son successeur. Tout en s'adressant à ce dernier, Hadrien tente de définir sa vie, de lui donner un sens, sans forfanterie. Il essaye de se définir en se comparant au commun des mortels qu'il ne méprise pas comme nos dirigeants actuels. Aucune arrogance chez lui.
Hadrien écrit sa volonté d'être libre, notamment dans le domaine artistique. C'est un esthète, persuadé que la beauté existe en ce monde. Amoureux de la Grèce, il va élever des palais dans tout l'empire, comme la Villa d'Hadrien à quelques encablures de Rome. Il souhaite que la beauté inonde le monde. La force, la justice et les muses sont les fondements de sa pensée.
Nous avons en mains, avec "Les mémoires d'Hadrien", un roman philosophique. Hadrien s'interroge sur la notion du bonheur. Ce concept s'incarne pour lui en jeune bithynien, Antinoüs. Ce dernier va devenir son favori et son amant, avant de se noyer à 20 ans dans le Nil. Profondément affecté par cette disparition, Hadrien va jusqu'à créer une ville en son honneur en Egypte.
Hadrien est aussi un empereur conquérant qui avoue ses échecs, comme lors de la révolte de Judée vers 130 après J.C. A la fin de sa vie, Hadrien est plein d'amertume. Affaibli physiquement, il ne peut plus vivre comme il l'entend. Aussi, il envisage même de mette fin à ses jours.
Hadrien s'éteint entouré des siens, dont Antonin , son fils adoptif et futur empereur. C'est un homme apaisé qui rentre dans la mort les yeux ouverts.
On a ainsi lu l'autobiographie fictive d'un homme qui loin d'être romanesque interroge le lecteur son propre devenir. En des termes simples emprunts d'une immense érudition, Marguerite Yourcenar nous laisse à penser que l'on a eu devant soi la véritable pensée d'un homme au crépuscule de sa vie, ni moins bon, ni meilleur que les autres. On comprend "ce qu'un homme a cru être, ce qu'il a voulu être, et ce qu'il fût ". Attention chef d'oeuvre.