Les dieux n'étant plus et le Christ n'étant pas encore, il y a eu, de
Cicéron à Marc Aurèle, un moment unique où l'homme seul a été.
Cette phrase magnifique n'est pas de Marguerite Yourcenar mais de Gustave Flaubert. Mais cette dernière a été le déclic qui a poussé la future première académicienne à écrire cette oeuvre ambitieuse, où elle prend le point de vue de l'Empereur romain Hadrien racontant à travers une longue lettre au futur successeur de son successeur, Marc Aurèle, sa vie, ses amours, ou plutôt son amour puisqu'il n'en a eu qu'un seul, ses emmerdes...
Plus sérieusement, c'est l'histoire d'un homme vieillissant, de sa naissance à la mort rôdant autour de lui, qui va donner de belles phrases sur la contrainte de l'âme de supporter les caprices de l'enveloppe corporel le temps de la vie terrestre, sur le pouvoir à travers un exercice sage et pacifique de ce dernier, même si les limites seront inévitables à travers l'exemple de la Judée, sur la philosophie, sur l'idée de suicide, et bien sûr sur l'amour, son seul véritable amour avec le bithynien Antinoüs, décédé dans des circonstances ambiguës...
Je ne vais pas me prêter à une analyse de ce roman par le biais de la citation flaubertienne par laquelle j'ai introduit cette critique, mais je la trouvais tellement belle qu'il fallait que je la cite, et je confesse que ce n'est pas l'éventuel parallèle qu'aurait fait l'auteure entre le IIe Siècle et la fin de la Seconde Guerre Mondiale qui a retenu mon attention. Et puis surtout, je ne vais pas jouer au spécialiste de l'Histoire de la Rome antique que je ne suis malheureusement pas en disant ou non si ce livre est fidèle ou pas à la réalité historique... j'en sais rien (et puis est-ce important ??? oui, certainement !!! ; le plus important ???, à chacun de se faire son idée !!!). Je vais plutôt souligner le fait qu'on ait une réflexion par le truchement de ce IIe Siècle, qui pourtant à première vue paraît bien bien lointain, sur l'idée utopique de la perfectibilité. C'est cette partie de l'oeuvre qui m'a le plus interloqué pour la raison que la stupidité de ce mirage d'idéalité est à notre époque "surnumérisée" d'une actualité flamboyante. L'aspect réfléchi, philosophique, voire métaphysique, et apaisé de l'oeuvre apporte une perspective de recul bienvenue au lecteur sur ce thème toujours d'actualité car visiblement intemporel.