"HAAAADRRIIENNN! HAAADRRIIIIENNN!"
Pour ceux que le titre cette critique laisserait comme deux ronds de flan, dubitatifs ou encore pantois, je précise que je me suis ici inspiré du cri du coeur de Rocky Balboa à la fin du premier volet.
Bref, "les mémoires d'Hadrien": Margot Yourcenar croque ici l'empereur emblématique de l'âge d'or de l'empire romain, au cours de ce IIème siècle béni des dieux (et on sait qu'il y en avait beaucoup à l'époque). Devant l'Histoire, la grande, mais aussi devant les petits manuels qui accompagnent celle-ci, le vieil empire d'Auguste n'a jamais été aussi puissant que sous Hadrien: moins chien fou que Trajan, plus charismatique qu'Antonin, et plus serein que le pourtant stoïcien Marc-Aurèle, Hadrien apporte une bonne dose d'esthétisme et de sagesse à ses territoires. Yourcenar s'attaque donc à une véritable statue de commandeur et nous montre l'envers du décor d'un prince qu'elle suit dans ses nombreux voyages, terrestres comme spirituelles. Hadrien s'adresse à son petit-fils adoptif, Marc-Aurèle. La langue est classique, riche, précise. Les images ont des beautés assez rares (Yourcenar a mûri l'idée pendant au moins quinze, vingt ans, puis a encore mâché la rédaction plusieurs années). Narrateur et lecteurs se trouvent dans une position ambivalente: Est-on (suit-on) un homme du IIème siècle ou plutôt un homme du XXIème qui se prendrait pour un césar romain? Les deux, mon général.
L'important n'est cependant pas de savoir à quel répertoire, moderne ou ancien, appartiennent les thèmes et les personnages de l'oeuvre mais plutôt de suivre les circonvolutions de l'écriture de Yourcenar et qui sont des spirales de mots qui vont droit.
C'est dans les pires tourments qui ramènent l'empereur-Dieu, Hadrien, à sa condition très terre-à-terre d'être humain que l'écriture de Yourcenar est la plus aérienne: la perte définitive d'un amour, le suicide l'aimé qui désespère l'amant, la mort d'Antinous.
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