Bien que je doive remercier l'auteur lui-même pour les fantastiques heures que nous avons passées, ma compagne et moi, en compagnie de l'excellent Reginald Jeeves et de son gentleman un peu benêt Bertram "Bertie" Wooster, je n'aurais probablement pas eu le plaisir de le lire si certaines personnes n'avaient eu le bon goût d'attirer mon attention sur lui et la très chouette série qui nous occupe. Je me dois donc de les remercier avant de vous expliquer ce qui fait tout le sel et l'intérêt sans cesse renouvelé de la série qui nous occupe.
Merci donc à Terry Pratchett qui cite Wodehouse comme un des auteurs qui l'a influencé (et mon amour pour Pratchett étant total, je ne pouvais qu'être intrigué par un auteur qu'il considère comme un modèle); Stephen Fry, comédien anglais connu aussi bien pour ses sketch avec l'ami Hugh Laurie dans leur folle jeunesse que pour une érudition qui n'a rien à envier au majordome anglais tiré des romans (qu'il a d'ailleurs incarné à l'écran), et qui ne manque jamais de faire la pub de l'auteur dés qu'il en a l'occasion; et un aficionado de SensCritique à la barbe aussi fleurie que son langage qui a consacré au bonhomme plusieurs listes et qui a mit encore un peu plus en lumière, faisant son travail d'éclaireur à la perfection, les qualités indéniables de Wodehouse, j'ai nommé ce bon vieux Torpenn.
Merci à eux, donc, parce que je me suis régalé à lire à voix haute dans l'année écoulée les aventures rocambolesques contenues dans la série de romans injustement appelé les Jeeves, mais qu'il serait plus juste d'appeler les Jeeves et Wooster .
Je compte bien enchaîner et m'attaquer à d'autres séries de l'humoriste anglais que je place dans mon panthéon personnel des auteurs dont l'humour ravageur vous remet du baume au cœur.
Donc les Jeeves et Wooster est une série qui met en scène un dilettante assez fortuné pour passer sa vie à faire la bringue et assez benêt pour se fourrer dans des situations dont seul son brillant gentleman's personal gentleman/majordome, lecteur assidu de Spinoza et de Shakespeare et grand consommateur de poissons, ce qui selon Bertie lui donne ses capacités de réflexions presque surhumaines, peut parvenir à l'extirper.
L'univers dans lequel Jeeves et Wooster évoluent pourrait presque passer pour une sorte de monde de fantasy car on y trouve une Angleterre des années vingt/trente comme préservée de l'atteinte du temps qui passe et qui ne semble jamais vraiment changer ni évoluer. Une Angleterre de châtelains un peu dinguos qui invitent pour de longs week-end leurs connaissances à séjourner dans leur domaine; une Angleterre de club sélect à la clientèle limitée où de distingués gentlemen passent leurs journées dans l'oisiveté quand ça n'est pas à faire les choses les plus absurdes; une Angleterre mondaine où tout le monde se connaît plus ou moins et a été un vieux camarade de classe; bref une Angleterre qui n'existe, et n'a probablement jamais existé (même si elle est bien entendu inspirée du réel) que dans l'imagination de son auteur.
Ce qu'il y a de plus extraordinaire, c'est que les éléments de l'intrigue de la série de roman se ressemblent étrangement et pourtant, chaque roman est une nouvelle découverte. De même les personnages qui interviennent tout au long de la saga sont des personnages récurrents qui s'ils ne se retrouvent pas forcément dans chaque ouvrage réapparaissent régulièrement.
On y trouve Les deux tantes de Bertie: Agatha , la tante honnie qui "mange du verre au petite déjeuner" selon les déclarations de Bertie, et Dahlia, la tante adorée, dont la voix porte sur des lieues et qui a sans cesse besoin de Bertie et surtout du brillant cerveau de Jeeves; le chef et magicien des fourneaux Anatole qui travaille chez Dahlia et est source de bien des chantages de la part du bien aimé ancêtre qui force Bertie à accomplir ses caprices au risque de ne plus gouter sa merveilleuse cuisine; les vieux camarades de Bertie comme Tuppy Glossop, Gussie Fink-Nottle, Marmaduke "Chuffy" Chufnell, Reginald "Kipper" Herring, Bingo Little, Boko Fittleworth ou Harlod " Stinker" Pinker, et j'en passe, qui semblent tous sans cesse en pleine mouise amoureuse ou ayant tout juste rompus leurs fiançailles et qui comptent sur Wooster, et Jeeves pour arranger les choses avec les élues de leur cœur; Angela, la fille de Dahlia ou Stiffy Bing, la nièce de Sir Watkyn Bassett qui compteront régulièrement sur un coup de main de ce brave Bertie pour les tirer de mauvais pas; les redoutables et redoutés Sir Watkin Bassett et Roderick Spode; un nombre hallucinant de femmes telles Madeline Basset (la fille de Sir Watkin) ou Florence Craye entre autre, cherchant à passer la corde au coup à Bertie (souvent par dépit alors que leur première option leur a fait faux bond) pour le plus grand désarroi de ce brave Wooster qui ne peut leur opposer un refus (qu'il appellera sans discontinuer Nolle prosequi tout au long des romans ) à cause de sa volonté de se comporter en preux chevalier, ce qui lui attire des ennuis invraisemblables pour essayer de se débarrasser de ces fiançailles non-sollicitées; Sir Roderick Glossop qui prend Bertie pour un cinglé de première et aimerait le faire interner,... Tout ce joyeux monde se percute s'aime, se déteste, essaye de se manipuler, ce qui est source de nombreux quiproquos reflétant la comédie humaine dans toute sa splendeur.
Bref, la série des Jeeves est un univers fou, drôle et qu'on a plus envie de quitter dés qu'on rentre dans le monde dépeint par son auteur, ce qui peut prendre deux ou trois ouvrages.
Je vous conseille évidemment de commencer par les nouvelles mettant en scène Wooster et son majordome et de suivre la série de manière chronologique. C'est selon moi, la meilleure manière de vivre l'aventure Wodehousienne. Les Jeeves, c'est un univers incroyablement intelligent comme peu l'être le personnage qui donne son nom à la série et tout à la fois chaleureux et humain comme peut l'être Bertie Wooster. Je pense que si Jeeves est si attaché à ce benêt de Wooster, c'est à cause de l'immense admiration qu'il a pour la profonde humanité de son maître.
Nous avons finis toute la série, alors ma copine et moi sommes un peu tristes de quitter cet univers et ces personnages qui sont devenus, à mesure de nos lectures, nos amis et vont bien nous manquer, raison pour laquelle nous essayons de prolonger l'expérience et de rendre moins pénible cette séparation en regardant la série Jeeves & Wooster avec Stephen Fry et Hugh Laurie respectivement dans les rôles titres (et c'est très réussi jusqu'à présent).
Mais si un jour la joyeuse troupe de loufoques créée par Woodehouse venait à trop nous manquer, nous savons qu'il nous suffirait d'aller devant notre bibliothèque et d'ouvrir un livre pour tous les retrouver, et ça atténue un peu notre peine de devoir leur dire, au moins pour un moment, au revoir.