Ce roman complexe d'Amélie Nothomb peut à nouveau se lire à différents niveaux.
Le premier niveau, au sens propre, traite d'un thème leitmotiv chez l'auteure, à savoir la beauté chez la femme et son corollaire la laideur. L'on reconnaît à nouveau la souffrance projetée d'Amélie Nothomb par rapport à son propre visage. Pour autant, il est paradoxal de constater que la quête d'une beauté inaccessible empêche de faire le deuil de la beauté physique, pour finalement ne jamais s'attarder sur la beauté d'âme, ce qui serait une forme de sublimation philosophiquement plus noble. Le roman semble avoir opté pour un parti-pris purement esthétique. Est-ce pour mieux insister sur l'importance des apparences et du regard fondateur du regard de l'Autre, à l'image du mythe de la caverne de Platon, où de simples ombres deviennent les objets-mêmes ? Ainsi les apparences sont à la fois trompeuses et pourtant structurantes dans Mercure.
En second lieu, le rôle de l'infirmière Françoise est pour le moins énigmatique. Quel est son but réel et sa jouissance d'une telle situation ? Ce n'est pas clair et l'on pourrait penser comme dans "Le voyage d'hiver", que les deux personnages féminins sont en réalité deux facettes d'un seul et même acteur. La soignante et le soigné, la belle et la bête, la jeunesse et la maturité, tous réunis dans les paradoxes qui forment notre sensible humanité.
En troisième lieu, ce roman atypique qui renvoie derechef à la joute verbale et à la relation d'emprise entre un homme d'âge mûr et une jeune femme comme dans "Hygiène de l'assassin", le lecteur pourra se sentir quelque peu interloqué par son climat incestuel. Lequel climat trouve ses justifications dans la bouche du personnage d'Hazel à la fois soumis et reconnaissant. La sexualité imposée entre les deux personnages se trouve être justifiée par elle. Étrange et dérangeant.
La fin, en double option, laissera le lecteur sur sa fin. Malgré l'originalité de cette histoire et ses rebondissements à suspense, l'obsession sans issue autour de la beauté corporelle, et la relation d'emprise inscrite dans une dette de vie complètement erronée, tous ces ingrédients majeurs laisseront un goût d'inachevé. En comparaison, "Tuer le père", en reprenant ces deux thèmes nothombiens, semblera plus abouti au lecteur chevronné.