Nous y sommes, la voilà : ma première lecture d’un roman d’Amélie Nothomb (cette impression d’avoir passé un cap dans ma vie de lectrice, comme une ligne que je rayerais sur une liste imaginaire, est curieusement jubilatoire). J’avais prévu de les découvrir dans l’ordre de publication, mais c’est finalement Mercure qui m’a appelé en premier. Que voulez-vous, on ne décide pas à la place d’un livre. Et quel livre ! Cette découverte m’a fait passer d’un sentiment à sa contradiction, à tel point que je ne sais par où commencer.
L’histoire d’abord : l’infirmière Françoise Chavaigne est mandatée pour se rendre sur l’île de Mortes-Frontières, un lieu désolé, pour soigner Hazel, une jeune femme vivant isolée aux côtés d’un vieux capitaine. Très vite, Françoise comprend qu’une étrange relation lie ces deux êtres au comportement mystérieux. Et je n’en dirai pas plus, parce que c’est le mystère qui fait tout le sel de ce récit.
Peut-on aimer un roman en abhorrant son histoire ? Une question qui ne cesse de me tourmenter depuis la fin cette lecture. Et je crois bien que la réponse est oui. Mais alors c’est vraiment perturbant !
Formé autour d’une terrible conjuration, le contenu de cette histoire m’a révoltée, vraiment (même en tentant de me détacher de la réalité pour m’imprégner de l’imaginaire de l’autrice, une part de moi, sorte d’instinct de préservation, avait envie de s’écarter de cette histoire); la manipulation développée, emprisonnant d’une certaine manière une jeune fille innocente, m’a placée dans un tel état d’oppression que j’ai vite eu envie d’ouvrir la porte du lugubre manoir pour aller crier ma frustration dans le vent qui balaie l’île de Mortes-Frontières (au passage, j’adore ce nom). Mais c’est raconté de telle manière qu’on ne peut que se laisser embarquer par cette ambiance à mi-chemin entre un conte d’Andersen et les Dix petits nègres d’Agatha Christie. On est même rapidement happé par l’atmosphère gothique du récit. En définitive, l’aspect très malaisant du récit est peut-être finalement ce qui fait sa force.
Avec cette lecture je découvre que lire un roman d’Amélie Nothomb, c’est lire une plume relativement accessible. Je m’étais forgé au fil des années une image tellement sophistiquée de l’autrice (que je ne connaissais même pas) que je n’osais pas me diriger vers ses ouvrages. Je me sens très bête. Honteuse même. Je suis donc agréablement surprise de m’être à ce point fourvoyée. Et je reconnais humblement ma bêtise.
Ce conte est de la trempe de ceux que l’on n’oublie pas, et malgré mon malaise j’ai grande hâte de découvrir les autres titres de l’autrice.