Méridien de sang , ou Blood Meridian or the Evening Redness in the West dans sa version originale , est un roman western paru en 1985 , écrit par Cormac McCarthy. Reconnu internationalement depuis 2008 , année durant laquelle l'adaptation de l'un de ses romans - en l'occurence No Country for Old Men - remporta le prix du meilleur film , McCarthy est aujourd'hui assuré d'obtenir un jour sa place au sein du panthéon des plus grands écrivains américains aux cotés des Faulkner et autres Hemingway. L'influence de McCarthy est considérable ; les scénaristes de cinéma et de télévision le citent très régulièrement comme une de leurs influences fondamentales. Son style très visuel , et de ce fait très violent , rend la lecture de l'une de ses oeuvre aussi jouissive ou gênante qu'un film.
Pourtant , au milieu de toutes les adaptations de ses romans et nouvelles , et les scénarios originaux que McCarthy écrivit pour le cinéma - je pense au malaimé Cartel , de Ridley Scott - il existe une oeuvre de l'auteur natif du Rhodes Island qui n'ait pas encore eu droit à une adaptation digne de sa renommé. Une oeuvre si violente et si sombre que toute adaptation , dirigé par n'importe quel réalisateur convenable , hisserait l'auteur et sa création aux firmaments. Une oeuvre qui est au western ce qu' Ubik est à la science-fiction.
Cette oeuvre , c'est Blood Meridian.
Si je devais résumer le livre ici , je dirais que Méridien de Sang incarne la conquête de l'Ouest. Se déroulant à la fin de la très mal connue - d'un point de vue Européen - guerre américano-mexicaine de 1846/48 , l'oeuvre nous emmène à la rencontre du gamin , un jeune homme d'a peu près quatorze ans , fuyant sa famille pour ces nouvelles terres que l'état fédéral a obtenu , à savoir le Texas. Une terre irriguée par le sang des indiens et des mexicains où sévit une troupe de chasseurs de scalps que le gamin rejoindra pour assouvir sa soif de sensations. Cette troupe est mené par un certain John Joel Glanton , véritable figure historique , impitoyable mercenaire , réputé pour avoir foutu un bordel sans nom dans la région au début des années 1850. Sa bande est un patchwork d'âmes errantes , tour de Babel itinérante , intrinsèquement dysfonctionnelle et ce sur des niveaux de dysfonctionnalités que vous ne pouvez tout simplement pas imaginer avant de lire le livre. Au sein de cette troupe , on retrouve par exemple le juge Holden , colosse albinos , doué d'une intelligence qui ne semble tenir entre aucunes limites...
Il m'a fallu un peu plus de quinze jours pour venir à bout de Méridien de sang. Quinze jours durant lesquelles j'ai été , littéralement , de l'autre coté du temps , à la frontière entre le Texas et le Mexique , à tuer et piller. A scalper , surtout. A voyager , a tourner en rond en un désert infini. A craindre...Car Méridien de sang est un puit sur une autre époque. Se basant sur les confessions d'un membre du gang , Samuel Chamberlain , l'oeuvre est saisissante sur bien des aspects qu'il me serait impossible de répertorier ici tant Méridien de sang m'a profondément marqué.
Il y a la peinture des évenements et des paysages. La direction photo , je serais presque tenté d'écrire - ce qui est fait , d'ailleurs. Je ne saurais pas l'expliquer techniquement , mais lorsque McCarthy vous explique qu'un arbre brûle dans la sierra , eh bien vous vous définissez l'arbre dans tout son rougeoiement , toute sa crépusculaire beauté. Et quand McCarthy vous explique ensuite qu'à cet instant , un des hommes de Glanton éclata la tête d'un pauvre manant dans les environs d'une bourgade hispanique en pisé , eh bien le sang jaillit dans votre esprit , repeignant les façades brûlées par le soleil.
Pour ce qui est des personnages , tous valent le détour. Mais celui qui vous marquera à coup sûr , ce sera le Juge. Démesuré , poète de l'apocalypse , silhouette gigantesque avançant dan le scintillement rouge du soleil déclinant sur l'ourlet du monde , il transcende l’environnement dans lequel il évolue. Inspire une crainte bien supérieur à celle du courroux divin qui attend à coup sûr tout ces pécheurs avec lesquelles il chevauche et massacre. Ses paroles sont toutes lyriques. Toutes étonnamment parlantes bien qu'abstraites.
Le style est , comme je l'ai déjà dit , unique en son genre. Les virgules sont rares , et les conversations ne sont jamais annoncées par une ponctuation quelconque. De plus , se déroulant en un territoire hispanique , les quelques conversations en espagnol ne sont pas traduites. Tout est fait pour que le lecteur se fonde dans le paysage.
Et j'ai adoré. Adoré le malaise qui s'est insinué en moi durant quinze jours. Adoré voir un auteur ne prendre aucune communauté avec aucune pincette. Adoré lire des choses que l'on ne lirait ou n'entendrait conventionnellement pas dans un western - des discours sur la pluralité des mondes et des destinées humaines.
Adoré le lire maintenant , à l'orée de ma vingtième année sur cette terre.
Adoré , tout simplement.