Des caillots dans l'écriture
Oui, Mc Carthy a une écriture très riche, le sens de la description, un vocabulaire fort et très imagé. Mais pour une belle phrase qui retombe sur ses pieds, comptez le triple qui se perdent dans 20 adjectifs et 30 conjonctions de coordination. On ne peut même pas invoquer l'écriture frénétique qui traduirait la violence sans répit des mercenaires, puisque les mecs passent une grande partie de leur temps à bivouaquer ou à avancer au pas. Autant de moments qui pourraient permettre à Mc Carthy d'étayer les personnages, de leur prêter des pensées, des caractères, des enjeux... mais qu'il utilise pour une énième description de plante ou de caillou.
Ensuite le livre est très violent. Pas de souci. Le problème est qu'il ne raconte rien d'autre. Des mecs qui flinguent, scalpent, tranchent et explosent des têtes. Si le propos est de montrer que l'homme est un enculé, ou que le "nouveau monde" fut bâti dans le sang et la poussière, d'autres ont sû le faire avec plus de souffle et d'esprit.
Mc Carthy échoue même à moitié dans sa volonté de rendre la violence, car après des pages, des pages et des pages d'assassinats, on est simplement anesthésié et on baille. C'est d'autant plus vrai que les personnages parlent et existent très peu, côté bourreaux comme victimes. Zéro affect donc, et la énième tête explosée secoue autant que si le gars s'était cassé un ongle.
Heureusement, le sursaut de la dernière partie sauve les meubles: le groupe se disloque, et ça devient enfin prenant. L'intrigue sort de sa routine, les persos se révèlent et le roman prend alors plus de sens, même si c'est surtout au travers des monologues ampoulés du "juge" Holden, enfoiré de légende faut avouer.
Un tour de force "technique" donc, desservi à mon sens par des choix trop radicaux.