Autant le dire tout de suite, Message de Frolix 8 n'est pas le meilleur livre de Philip K Dick. Néanmoins il y a plus d'une raison de s'y attarder.
Il y a d'abord la description d'une société où la discrimination tourne à plein régime. Ici, elle se fait entre les Ordinaires d'un côté et les Nouveaux / les Exceptionnels de l'autre. Une partie de l'humanité a évolué, l'autre est restée normale. Ceux qui ont évolué, plus intelligents, ont mis sous coupe les autres. Apartheid, discriminations, autoritarisme sont au rendez-vous.
Il y a aussi une critique profonde sur la politique, les jeux et la soif de pouvoir. Ou l'extrême facilité avec laquelle un état policier peut se mettre en place et se maintenir.Et en filigrane une critique de l'état et de son arbitraire. On n'est peut-être pas loin du Brazil de Terry Gilliam.
Il y a surtout le récit de la chute d'un homme, qui perd peu à peu la raison en basculant dans la rébellion sous des cieux terriblement Dickiens: Dieu est mort - on l'a retrouvé flottant quelque part dans l'espace - mais le retour d'un humain quasi-divin est imminent. Alors que le moindre écart peut condamner aux camps de rééducation pour le reste de sa vie, notre anti-héros est-il mu par la révolte, par l'ivresse qu'apporte un alcool désormais interdit ou par cette fille aussi inquiétante qu'attachante? Le destin de Nick Appleton lui échappe, la routine se mue en escapade, puis en folle virée, puis en descente aux enfers glauque, déprimante. Le malaise est palpable, comme dans les oeuvres de Kafka.
Message de Frolix 8 est un roman intéressant. Il explore des thèmes que l'on retrouve aussi dans Substance M ou encore Le Dieu Venu du Centaure, mais en y réfléchissant c'est bien le goût amer de la descente aux enfers qui prédomine. Parce qu'on l'oublie parfois mais Philip K. Dick n'est pas que l'artisan de concepts géniaux pour des films de SF. Les aliens, les précogs, les télépathes, les drogues et les réflexions sur l'humanité ne masquent pas une réfelexion profonde et pas toujours heureuse de l’ambiguïté des relations humaines. Ceux qui en doutent pourront lire Ô Nation Sans Pudeur pour s'en convaincre.