Message de Frolix 8 par Gaby Aisthé

En choisissant ce livre au hasard sur ma bibliothèque, et sans franchement m'intéresser au résumé de la quatrième de couverture, je ne m'attendais pas à grand chose, ni en bien, ni en mal. N'ayant pas de réelle envie de lecture, je l'ai pris comme j'aurais pu prendre son voisin d'étagère et commençais donc à le lire sans avoir la moindre idée de ce qui m'attendait.

Dès les premières pages, un sentiment étrange s'empara de moi. D'une part, je me disais que ces énumérations de théories scientifiques et la scène dans le drugbar me passeraient un peu au dessus de la tête, mais quelque chose me pressait dans ma lecture. Je sentais, je savais au fond de moi que Message de Frolix me plairait, même si j'ignorais pourquoi.

Et de fait, cette dernière idée se révéla exacte.

Virgule téléguidées, que je venais de finir et dont le style m'a parut un peu faiblard, a peut être contribué à fausser mon jugement, mais je trouvais ici une fluidité dans l'écriture et une profondeur dans la création de cet univers futuriste qui m'ont franchement régalés.

L'histoire est quant à elle très intéressante et pose des questions qui ne le sont pas moins sur notre évolution, notre vie quotidienne, nos préoccupations, l'ordre de nos désirs et nos relations à nos semblables et à notre société.

Davantage de capacités intellectuelles, davantage de capacités psychiques et physiques sont souvent applaudies. Quoi de plus naturel ? Nous avons tous probablement rêvé au moins une fois dans notre vie d'être plus quelque chose : nulle honte à cela. Les problèmes viennent lorsque l'on s'inquiète de savoir ce que nous ferions de ces 'plus ´, à fortiori si une minorité importante en disposait.

Ce livre nous présente certaines dérives auxquelles nous pourrions nous adonner à cause de ces plus. Plus, c'est bien, mais mon plus, le plus que je partage avec d'autres, vaut il mieux qu'un plus différent ? En cela, l'opposition des Nouveaux et des Exceptionnels est une première réflexion. Chacun a comprit qu'il était important que ceux dotés de capacités supérieurs prennent le pouvoir et le gardent, quelque soit ces capacités - d'où l'alternance et une certaine coopération - mais au lieux de se réunir et d'utiliser ces capacités pour le bien de tous, pour construire une civilisation tournée vers le progrès général et le bien être de tous, ont sent bien ce désir de compétition, cette arrogance de ceux qui se savent supérieurs.

Sous la coupe de ces êtres soit disant supérieurs, évoluent les Ordinaires, les gens normaux, comme vous et moi. Leurs préoccupations ? Boucler leurs fins de mois, prendre soin de leur famille, survivre. La plupart d'entre nous se contentent de cela, et même si nous ne faisons pas totalement l'autruche, notre esprit critique est souvent calmé par un sentiment de résignation. Trop compliqué de changer les choses, peut être même impossible. Et puis ferions nous mieux à leur place ? Pas dit. Certains s'accordent de petites parenthèses de résistances (nos petites infractions et coup de gueules étant remplacés ici par des critiques dégoutées et l'achat de tracts cordonniens), mais la plupart préfèrent passer outre des sujets sur lesquels ils jugent ne pas pouvoir faire grand chose.
Dick ajoute à cette résignation intellectuelle des craintes réelles, violentes, des conséquences effectives et négatives à la rébellion qui viennent renforcer ce silence de la majorité et rend plus facile à admettre l'attitude des Ordinaires (qui sont soumis par la tyrannie des dirigeants, contrairement à nos sociétés, où nous sommes bien plus libres de nous exprimer).

Le personnage d'Appleton est bien choisit pour amener cette réflexion. Un personnage lambda, qui fuit les problèmes et s'est fait à son existence, tout en conservant de l'espoir pour sa progéniture. Il n'est pas un résistant héroïque et nous le rencontrons alors que ses espoirs s'envolent et qu'il doit faire face à cette disparition. Comment réagissons nous lorsque nos espoirs s'envolent ? Non, nous ne devenons pas tous de grand leader aux idéaux nobles et puissants. Non, malgré notre colère, nous ne nous transformons pas nécessairement en révolutionnaires.
Appleton est un type normal, un Ordinaire et un type ordinaire, qui se retrouve dans des situations insensées après une scène de quelques minutes, qui aurait put ne jamais avoir lieux (bon, c'était tout de même mieux qu'elle se produise, sinon, pas de bouquin lol).

Nous avons également un final qui fait réfléchir, avec l'action de Morgo qui laisse songeur. Sans vouloir spoiler quiconque, la manière dont Provoni et son compagnon décident de changer l'ordre établi est assez criticable -surtout sachant ce qu'est Provoni.

La question de la vengeance, de l'option choisit * SPOILER * rabaisser les pseudos supérieurs à un niveau ´inférieur ´ afin de retrouver des bases saines et mettre un être doublement supérieur à la tête du tout, est ce là une solution ? Malgré la pureté des intentions de Provoni ? N'eut il pas été plus judicieux (mais était ce faisable ?) de permettre à chacun, malgré et grâce à ses différences d'évoluer et de progresser ? D'ouvrir les yeux à chacun par les pouvoir de Morgo ? Morgo, un être formidable, aux pouvoirs immenses, qui pourrait absorber l'Humanité, ne le fait pas, alors vous, Nouveaux et Exceptionnels, qui avez la capacité d'être des tyrans, pourquoi le faire ?
* fin du spoiler*

Enfin bref, la question de la revanche, que ce soit celle de Provoni comme celle d'Appleton est bien agencée et fait réfléchir. Détruire l'ennemi qui nous a fait souffrir ou lui tendre la main ? Traiter le perdant comme un inférieur, agir comme il l'a fait, ou au contraire, pardonner et l'entendre ?

Message de Frolix 8 nous offre donc un univers futuriste bien construit, qui associe réalisme et imaginaire de manière à nous permettre d'y entrer sans problème et de nous pencher sur des questionnements et des problèmes humains.
Le personnage d'Appleton, quoi qu'agaçant par moment (du fait qu'il puisse nous ressembler), est attachant, tout comme la petite Charlotte, intrigante et pleine de complexité.

Mon seul regret réside dans le fait que le statu de Provoni ne soit pas davantage utilisé et développé, mais cela reste un regret mineur.

En ce qui me concerne donc, je me suis trouvée happée par l'histoire et prise à le visualiser sous une forme cinématographique (ce qui est bon signe chez moi lol). Franchement agacée par le fait de ne pouvoir m'y plonger totalement et de devoir en sortir pour des choses aussi bête que de devoir dormir ou bosser, je l'ai lu avec grand plaisir et n'hésiterai pas sur ma prochaine lecture : ce sera un Philip K. Dick