Metal Gear Solid par Mellow-Yellow

"Metal Gear Solid : Une Oeuvre Culte d'Hideo Kojima". Un titre ronflant pour un livre souhaitant s'imposer, ainsi que sa quatrième de couverture l'indique, comme un "panorama complet de la saga". L'ambition est de taille. La saga "Metal Gear" n'est pas un objet facile à analyser, tant les possibilités d'appréhension semblent nombreuses. Aurons-nous un travail dédié à l'extraction de la singularité de l'objet vidéoludique ou un discours de fan s'épanchant sur les raisons de son amour ? A vrai dire, l'ouvrage joue sur les deux tableaux. Après une rapide genèse de la conception des jeux, plusieurs chapitres s'attardent à retracer leur histoire de manière claire et engageante, ce n'est qui n'est pas une mince affaire. Les derniers chapitres sont constitués d'une série "d'analyses" des thèmes abordés dans la saga.

Je mets "analyses" entre guillemets car je n'ai pas eu la sensation d'avoir à faire à une volonté de dépasser le propos premier. Oui, "Metal Gear" parle des dérives technologiques dans notre société, de complots à l'échelle planétaire, de l'horreur de la guerre et de bien d'autres choses. C'est le cœur de l'oeuvre, c'est ce qui nous vient immédiatement à l'esprit lorsque nous l'évoquons. Je n'ai pas besoin qu'un livre me rappelle de telles évidences et surtout les répète : lire quatre fois que la présence de Raiden dans le deuxième épisode a surpris nombre de joueurs finit par sérieusement donner l'impression que l'ouvrage ne cherchera jamais à aller au-delà de la simple accumulation d'anecdotes. Ces dernières auraient pu avoir un goût de nouveauté mais non, peu surprendront celui qui a déjà beaucoup lu au sujet de la saga. Pour prendre un autre exemple, les auteurs peuvent souligner la passion de Kojima pour le cinéma mais évacuent cette dernière en quelques phrases sans jamais détailler précisément sur ses références. C'est dommage, il y aurait pourtant eu ici de quoi faire ou du moins donner l'envie de creuser sur le sujet. Seul le chapitre dédié à la bande originale, écrit par un autre auteur, va plus loin dans son approche.

Les auteurs prennent également le parti de faire de Metal Gear Solid une oeuvre née toute entière de la volonté et du travail de Kojima. C'est un choix compréhensible mais risqué car toutes les analyses seront en conséquence basées sur l'objectif de tisser des liens entre Kojima et son oeuvre. Les interprétations abondent sans qu'une possibilité soit laissée au lecteur de se faire son propre avis et surtout de vérifier si un tel parti pris se rapproche de la réalité des faits.

Tout au long du livre perdure l'impression que les auteurs sont un peu trop fascinés par leur objet de recherche, accumulant les superlatifs a foison. Le problème de la fascination c'est qu'elle tend à faire disparaître le spectateur devant son objet. A idéaliser un tel monolithe vidéoludique, l'esprit critique tend à s'amenuiser et la saga "Metal Gear" nous apparaît ici sous un jour bien romantique... et par conséquent assez plat. Je suis plutôt déçu par l'angle de vue choisi et je suis à la fois peu surpris : notre style est souvent défini par la personne à qui nous nous adressons. Un livre écrit par des fans et destiné à être lu par des fans court toujours le risque de produire un propos lisse et attendu, nombre de fans souhaitant avant tout lire ce qu'ils connaissent déjà, s'assurer que leur objet de fascination est bien à la place qu'ils lui ont attribué. D'autres fans tenteront de dépasser le propos, d'adopter un regard différent sur ce qu'ils aiment. Ce qui contient toujours une part de risque. J'ai eu la sensation qu'un tel travail a choisi de ne pas prendre ce risque et c'est à mon sens bien dommage. J'aurais aimé que les auteurs puissent rendre hommage à une œuvre aussi riche en lui donnant la chance de pouvoir être vue différemment.