Ce mois de janvier ne fut pas de tout repos pour le commissaire Kurt Wallander. Il n'arrive pas à faire le deuil de son mariage, sa fille Linda refuse ostensiblement de le voir, son père devient sénile et n'arrête pas de l'engueuler, il ne supporte plus sa solitude affective, il boit de plus en plus et dort de moins en moins.
A cela s'ajoutent ses difficultés dans son métier. Le chef est injoignable, c'est donc lui qui est chargé d'assurer l'intérim, ce qui inclut les liens avec les médias. Et l'enquête principale, le meurtre sauvage d'un couple de vieux paysans inoffensifs. Sans compter les menaces de groupes néo-nazis qui se proposent d'attaquer des réfugiés demandeurs d'asile. Et le ministre, du haut de son perchoir à la capitale, qui l'insulte parce qu'il n'est pas capable d'assurer la surveillance de tous ces immigrés plus ou moins clandestins.
Le premier roman de la série des Wallander est un très bon policier. D'abord parce qu'il est centré sur l'enquête. Le roman commence sur la découverte du crime et s 'achève juste après sa résolution. Pas de bla-bla superflu, mais une enquête compliquée, avec ses fausses pistes et ses innombrables questions.
Mankell parvient à placer des enquêtes secondaires, histoire d'étoffer l'ensemble, sans jamais perdre son fil directeur ni donner la moindre impression de décousu. Bien au contraire, cela permet de rendre le roman encore plus passionnant.
De même, les frasques de Wallander ne sont jamais inutiles. Elles permettent de dresser un portrait tout en nuances du policier. D'un côté il est un très bon flic, capable de fulgurances. D'un autre côté, il a des comportements très limites : il est impulsif, cède facilement à la colère, donne l'impression de ne rien maîtriser. Il conduit en état d'ivresse, et cherche lourdement à séduire la jolie procureur (qui est mariée et mère de famille).
Le roman se veut assez réaliste dans le travail de la police moderne. De la paperasse à foison, des communiqués de presse, des dossiers à lire et relire sans cesse, des rapports parfois tendus avec la justice : on y découvre un métier qui relève plus de la bureaucratie, saupoudrée d'un brin de comm'. Avec cela, il faut que tous les événements s'enchaînent avec une logique implacable, et c'est le cas.
Mankell se permet même une réflexion intéressante et sans tabou sur l'immigration. D'un côté, une grande démocratie "riche" peut-elle se permettre de rejeter les réfugiés menacés dans leurs pays ? D'un autre côté, peut-elle accepter tout le monde, au risque de déstabiliser toute son organisation sociale ?
Un roman passionnant, qui se lit d'une traite, parfois bien sombre, surtout sur le développement d'une forme inédite de violence, d'autant plus inconnue que l'histoire se déroule dans le milieu rural, jusque là épargné.
[Un grand merci à la collègue qui m'a tanné le cuir depuis un an pour m'inciter à lire du Mankell, et un autre grand merci à Electron, dont la très bonne critique m'a fourni le titre avec lequel commencer mon exploration de l’œuvre du romancier suédois]