La première des enquêtes publiées du commissaire Kurt Wallander. Cela se passe en Scanie, région suédoise assez isolée où on imaginerait la vie se dérouler de façon plutôt calme. Pourtant, une nuit, un homme est sauvagement assassiné dans sa ferme, sa femme également très mal en point. Le couple est découvert par un voisin réveillé par une sensation étrange : un calme inhabituel. Les fermiers, des personnes d’âge mûr et sans ennemis aux dires de leur voisin.
La femme meurt quelques jours plus tard en prononçant à plusieurs reprises « Etrangers ». Elle avait été retrouvée ligotée sur une chaise, au bord de l’étranglement au moyen d’un lacet noué avec un nœud venu d’ailleurs. Il n’en faut pas plus pour focaliser l’attention sur les résidents étrangers dans le camp de réfugiés du coin. Or, un homme y résidant est à son tour assassiné, comme s’il était tombé dans un traquenard.
Kurt Wallander est ainsi confronté à deux enquêtes différentes, dont la seconde lui donnera du mal, notamment à cause de la difficulté à établir un témoignage correct avec une personne ne parlant pas le suédois. Quant à l’enquête sur le meurtre des deux paysans, elle piétine longtemps malgré quelques pistes.
Ce roman décevra ceux qui attendent qu’un roman policier livre les indices permettant au lecteur attentif de dénouer l’intrigue avant la fin. Autre sujet de perplexité, le faible lien entre les deux enquêtes. Je note également que Mankell a déjà sa manie d’annoncer régulièrement des heures et des jours qui ne servent que de repères chronologiques pour l’avancement du travail de Wallander et très peu pour situer les moments importants concernant les faits sur lesquels il enquête.
Par contre, tout le style Mankell est déjà là, avec sa capacité à faire vivre ses personnages grâce à de nombreux détails très révélateurs sur les états d’esprits en Suède, ainsi que sur la vie privée de Wallander. Éléments qui viendront s’accumuler au cours de la série pour la nourrir. Ainsi Wallander fête ses 43 ans au cours de l’enquête (même âge que Mankell). Il est séparé de sa femme depuis quelques mois. Cette séparation, il la vit d’autant plus mal que sa fille a pris la tangente. Il apprend qu’elle traine dans le coin avec un noir africain qu’elle ne veut pas lui présenter. Wallander a alors une réflexion désobligeante vis-à-vis de ces étrangers présents sur le sol Suédois, alors qu’il mène une enquête lui révélant leurs tristes conditions de séjour, ce qui va probablement lui ouvrir les yeux (ainsi qu’au lecteur, éventuellement). D’autre part, Wallander fait la connaissance d’une femme avec qui il est en relation pour son travail : Annette Brolin qui remplace le procureur en poste habituellement. Charmé, il tente (maladroitement) de la séduire alors qu’elle est mariée et mère de famille. Et puis, Wallander tente de s’occuper de son père qui est seul, bougon, en proie à une crise qui laisse craindre un début de sénilité…
Malgré quelques maladresses, ce roman est intéressant à lire. Mankell y aborde de manière intelligente la violence aveugle qui peut frapper plus ou moins n’importe qui sur cette planète, car le hasard peut faire se croiser des personnes aux trajectoires très diverses. Les enquêtes policières sont mouvementées et permettent d’en apprendre pas mal sur la Suède. A noter que, si ce livre est le premier d’une série, il n’est pas indispensable de lire la série dans l’ordre pour apprécier chaque titre individuellement. J’ai procédé dans le désordre, série en cours, et je continuerai ainsi.
Le style est agréable. Le livre se lit facilement : 15 chapitres pour 375 pages en caractères assez gros. Un défaut est peut-être la répétition de l’état d’avancement de l’enquête alors que le lecteur attentif sait déjà tout ce que Wallander se répète. Au moins le lecteur est immergé dans le travail du policier.