À peu de chose près, le second volume de Riftwar Cycle avait tout pour faire beaucoup mieux qu’Apprentice : par l’entremise de Pug, devenu esclave sur Kelewan, Feist nous initie en effet aux arcanes de la société Tsuranuanni qui, entre survie et découverte, tranche avec l’empreinte plus conventionnelle de Midkemia. Cette dernière, nullement laissée à l’abandon, propose toutefois une superbe alternance, l’auteur développant de la sorte des enjeux à tiroirs l’éloignant définitivement d’un traitement manichéiste : parfait donc ?
S’il se dévore sans rechigner et qu’il, par bien des aspects, honore les promesses formulées précédemment, Magician: Master a en finalité les mêmes menus défauts que son aîné, à savoir ce recours aux ellipses de tout acabit, elles qui tendent à malheureusement rogner sur l’immersion du lecteur. Feist s’en accommode cependant avec la manière, le mécanisme n’ayant rien de bien rédhibitoire… quoiqu’il échoue de la sorte à atteindre les sommets espérés.
Mais ce serait un tort que de bouder notre plaisir : que le lecteur soit placé dans les pas de Pug et Laurie ou du trio mené par Arutha, il en aura tout du long pour son argent. Car par-delà les considérations purement guerrières de l’invasion, elle qui traîne d’ailleurs à juste titre en longueur, le roman est surtout généreux en ce qui concerne les axes politiques et (même) philosophiques de ses univers croisés. Agrémentant le schmilblick d’une composante mythologique avec les ombres des Valherus et de l’Ennemi, Magician: Master fait savamment monter la mayonnaise tandis que le présent va multiplier les coups d’éclats (Krondor, le parcours de Milamber etc.).
Certes déroutant en ce qui concerne les attitudes et objectifs fluctuant du magicien, littéralement tiraillé entre deux mondes, le roman parachève ainsi son émancipation d’un carcan uniquement régit par la force sans pour autant rejeter les codes du genre. Bien au contraire, Magician: Master s’avère être l’archétype de la référence elle-même pétrie de références… usées en bonne intelligence. Créatif et donc captivant à sa manière, Riftwar Cycle est sur de très bons rails.