Mille petits riens de Jodi Picoult est un roman à trois voix, suivant 3 personnages principaux. Ruth est une infirmière en obstétrique, seule saignante noire de son service. Elle accueille un couple de suprématiste blanc, dont le mari, Turk Bauer, va demander à ce qu'elle ne s'occupe pas de leur enfant qui vient de naître. L'histoire va conduire au décès de l'enfant. Ruth va alors être accusée de meurtre. Entre alors en scène Kennedy, avocate qui a renoncé à une carrière fructueuse financièrement pour se dévouer à un travail d'avocate commis d'office.


Le livre va alterner les points de vue des 3 personnages, parlant à la 1ere personne. On revit parfois une même scène, vue par un prisme différent. Le fil narratif présent est parfois mis en perspective avec l'histoire de vie ancienne des personnages, ou des détails sur leurs proches. On va donc suivre chapitre après chapitre la scène du drame à l’hôpital, puis l'interpellation de Ruth par la police puis enfin le procès, enrobés de nombreuses pastilles sur la vie des personnages.


Le procédé est intéressant sur le principe, en pratique, ça tombe un peu à plat. Les différents points de vue n'apportent pas souvent grand choses, ou alors rien inattendus. Le texte en lui même, sorti environ en même temps que la campagne puis l’élection de Trump, aurait pu résonner avec le mouvement black live matters qui commençait à prendre alors de l'ampleur. Le propos de l'histoire aurait pu prendre une dimension sociétale et systémique. Au lieu de ça, on est plutôt sur une enfilade de platitude un peu cliché à mon goût. On joue beaucoup sur les sentiments, pas tellement sur l'intellect. Turk et Brit sont des sales cons, mais ils souffrent d'avoir perdu leur enfant, et on doit éprouver de l'empathie juste pour ça ; Kennedy n'est pas raciste mais garde des œillères sur le racisme « passif » dont elle est un des leviers ; Ruth a pour seul défaut d'avoir eu un instant d'hésitations lors du drame ayant conduit à la mort de l'enfant, sinon elle semble être la réincarnation d'une sainte. J'aurais aimé un peu plus de profondeur et de complexité pour ces personnages.


La partie du procès est la plus réussi, c'est d'ailleurs le seul moment où on prend justement de la hauteur et où le racisme est analysé comme autre chose que la soupe « être raciste, c'est pas cool mais perdre son enfant ça l'est encore moins » que l'on nous sert pendant 450 pages. Mais alors que la mayonnaise commençait à prendre avec ces quelques éléments de sociologie du racisme, l'autrice nous sort alors une série de rebondissement, jusqu'au dernier très téléphoné. La mayonnaise ne prendra pas, tout retombe dans une mièvrerie assez déplaisante.


Ce roman peut être sympa si on commence à s'intéresser aux dynamiques racistes (un ado qui commence à se questionner là dessus pourra se retrouver dans le cheminement intellectuel de Kennedy par exemple). Mais sinon, c'est un peu trop simpliste et fade je pense. Dommage, la postface laisse à penser que l'autrice avait beaucoup réfléchi à la portée potentielle de son bouquin, au fait qu'elle soit blanche et ce que ça impliquait qu'elle écrive le point de vue d'une noire. Mais on a du mal à retrouver cette réflexivité dans le roman (à part sur la toute fin, et encore sur quelques pages avant de retomber dans des travers), et c'est son plus gros défaut pour moi.

Homegas
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le 27 sept. 2021

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Homegas

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