Découvrir un nouvel auteur et se promettre de le suivre à l'avenir est un plaisir de gourmet, tout aussi agréable que celui qui consiste à ne pas rater un seul des livres de ses écrivains préférés depuis longtemps. Ce préambule pour dire que Miss Mars est un petit bijou sensible et malicieux, qui mériterait un succès plus grand que celui qu'il connaît depuis sa parution et qui montre un romancier au sommet de son art, y compris dans sa manière de faire lanterner le lecteur et de le piéger, au final, dans un dénouement stupéfiant et d'un romanesque fou. Nico, le narrateur de Miss Mars a vécu son enfance et adolescence dans un petit village de Galice où a eu lieu un événement dramatique, 25 ans plus tôt, avec la disparition inexpliquée d'une fillette, le soir même du mariage de sa fantasque et très jeune maman. Si Nico revient dans le village, c'est dans le but d'assister une célèbre journaliste qui a décidé de tourner un documentaire sur l'affaire. Le livre progresse au fil des entrevues avec les témoins de l'époque, qui ont tous vieilli, évidemment et qui mentent peut-être ou fantasment, sans doute. C'est le prétexte pour Manuel Jabois, au-delà d'un suspense bien agencé, de parler de sa région natale, avec sa beauté sauvage, ses secrets, ses malédictions et de la présence obsédante et parfois maléfique de la mer. Une occasion aussi pour évoquer les emballements de la jeunesse et ce qui reste des amitiés "éternelles" que le passage du temps a abîmé. Cette chronique d'une disparition est surtout celle d'une région si particulière que le cinéma espagnol a évoqué dans deux films récents, marquants et très différents que sont Matria et le chef d’œuvre As Bestas.