Début 60’s Michel Butor abandonne le « roman » (Nouveau ou non),
Il part en voyage six mois aux Etats-Unis, (s’inscrivant dans une longue littéraire tradition française depuis Chateaubriand, Tocqueville, Céline jusqu’à…euh BHL hum) et en revient avec un journal de voyage qui fait un livre fascinant
La problématique du livre est présente dès le sous-titre «Etude pour une représentation des Etats-Unis », le mot-clé ici est « représentation ».
Mobile sort en 1962, la même année que les portraits de Marylin et des soupes Campbell d’Andy Wahrol, car si le livre est dédié à Jackson Pollock c’est bien au Pop-Art et à ses techniques (collages, détournements, etc..) que la composition fait penser, consciemment ou non, en avance plus qu’à la suite. La mise en page elle-même pousserait même à considérer ce livre comme de l'art graphique.
En 1964 Gérard Malanga composera les « Fashions poems » en découpant des extraits de magazines de mode
Butor, lui, reproduit dans ce livre fragmenté,de nombreux extraits de journaux, de traités historiques, de compte-rendu judiciaires, de livres de « grands américains » (Franklin, Jeffersson, Carnegie…), ainsi que des publicités, des catalogues de vente par correspondance, dans une tentative d’approche, sinon d’épuisement , géographique, biologique, historique, ethnique, mythologique des Etats-Unis d’Amérique.
A tous cela s’ajoute la répétition des noms d’Etats de villes, des fuseaux horaires, des descriptions automobiles, culinaires, ornithologiques, avec de nombreuses et infimes variations.
Ray Johnson réalise des portraits d’Elvis Presley dès la fin des 50s (bien avant Wahrol), Butor fait la liste de ses chansons.
Mais il serait faux de dire que Butor se contente de « Ready-made », par-dessus les leitmotiv et les samples , il semble improviser, tel un soliste de jazz, ce que l’on ne peut décrire que comme de la poésie, elle aussi presque « objective » mais introduisant ce qu’il faut de sublime en contrepoint de la sécheresse documentaire pour faire un grand livre.
Si le livre capte admirablement le Zeitgeist artistique américain de l’époque, affleure aussi dans tout le livre mais surtout dans la dernière partie, le sujet central de ce début des années 60: la lutte pour les droits civiques. Ainsi s’entrecroisent de longs extraits d’un texte de Jeffersson sur les Noirs et le discours paranoïaque d’un « Sudiste » contemporain sur ce que sera la société d’après leur émancipation
Un non-roman unique donc, avant-gardiste, un véritable portrait des Etats-Unis , de son passé, de son futur, des 60’s et d’autres choses.