Modeste Mignon est une jeune fille de bonne famille (et même de petite noblesse, puisque son père est en réalité comte) qui vit recluse, son père ayant fait jurer à ses gardiens de la protéger des hommes pendant qu'il est parti refaire sa fortune à l'autre bout du monde. Modeste s'occupe en lisant, et tombe amoureuse des écrits du baron de Canalis. Elle entame une correspondance avec celui-ci, et une romance se lie. Ce qu'elle ne sait pas, c'est que la personne qui lui répond, c'est le secrétaire de l'auteur, qui a le coup de foudre par lettres interposées... Tout se complique encore lorsque, fortune faite, le père de Modeste revient en France...
Balzac a un style pas toujours commode, avec des excès de descriptions qui frisent souvent l'indigestion (c'est moins un défaut d'écriture qu'un projet esthétique, mais reste que c'est parfois pénible). Cela se ressent assez fort dans Modeste Mignon, dont l'introduction s'étire durement. Cela s'accélère pas mal avec l'arrivée de l'intrigue principale et les échanges épistolaires, et le dernier acte qui voit le père se mêler des amours de sa fille est très drôle, mais souffre du même dramatique souci, si bien que c'est un supplice au bout d'un moment d'attendre un dénouement dont on sait, depuis environ la moitié du livre, l'essentiel.
Cela étant, le roman propose de chouettes trouvailles, et a pour grand intérêt de présenter une facette importante de la vie de Balzac. Celui-ci a en effet beaucoup correspondu, comme cela était courant à l'époque, et a tissé des relations parfois intimes avec ses admiratrices. Il y a donc une mise en abyme d'autant plus intéressante dans Modeste Mignon qu'elle renvoie vers son auteur. Pour autant, faut-il voir chez Canalis, ou chez la Brière, le secrétaire épris de Modeste, de simples doubles romanesques ? Sans doute Balzac met-il plus de lui qu'il ne le réalise vraiment dans le caractère de ces personnages, entre un la Brière qui pourrait être vu comme un lui idéal, et un Canalis qui met plutôt en exergue ses mauvais côtés.
Un roman intéressant, riche, avec beaucoup de niveaux de lecture.