Je ne suis habituellement pas lecteur de livres sur la défonce, n'ayant vu des bouquins comme le Festin Nu de Burroughs ou Las Vegas Parano à l'époque que comme des curiosités distrayantes mais peu stimulantes sur le plan émotionnel, moral ou intellectuel. Malgré mon affection pour des films comme Trainspotting ou l'inimitable auteur de SF Philip KN Dick, je n'ai jamais été particulièrement été intéressé par ce milieu n'ayant moi même été rien de plus qu'un accroc à la nicotine pendant des années avant d'arrêter définitivement. Je n'ai donc pas de point de comparaison ni réel ni fictif avec ce récit que j'ai lu aujourd’hui, récit malheureusement authentique et incroyablement sincère et rapide à lire.


Si l'adolescence est une période charnière de notre vie, elle est aussi une trajectoire vers ce que nous serons en tant qu'adultes. Et il est fascinant de voir avec quelle aisance la drogue s'empare complètement de la direction de ces trajectoires adolescentes et à quel point toutes les orientations des drogué finissent toutes par en revenir au même point de destruction et de haine de soi. Au début, Christiane n'est qu'une ado comme les autres, élevée dans un foyer difficile dans une cité difficile où règne ennui et interdictions, c'est parce qu'elle voit dans un groupe de fumeurs de hasch la perspective d'une fuite de sa réalité ennuyeuse et de son foyer malheureux que Christiane marque son premier pas dans le monde de la drogue. Ensuite tout n'est plus qu’enchaînement de mauvaises décisions, petit à petit on se désinhibe, on laisse tomber les principes les uns après les autres puisqu'ils ne servent plus à rien, le fossé se creuse de plus en plus avec la famille, même les groupes d'amis soit disant soudés finissent par se disperser, se rabibocher, toujours pour des histoires de dope. Au départ Christiane est fière de fumer, de fuir la réalité, se moque de ceux et celles devenus dépendants de l'héro obligé(e)s de se prostituer pour avoir leur doses quotidiennes; puis au fil des rencontres et à force d'intégration des drogues douces dans leur quotidien, naturellement celles ci n'apportent plus rien à Christiane et sa bande. Alors fatalement et étape après étape ils finissent par sombrer dans cette spirale de la drogue et ce à des âges ridiculement jeunes allant de 12 à 16 ans.


Le rapport au temps est primordial dans ce roman.
Le style du livre est des plus neutres, les phrases s’enchaînent, les périodes passent, les gens défilent à un rythme presque frénétique mais aussi incroyablement figé. Une fois passé à l’héroïne la vie de Christiane n'est plus que routine, toute sa vie dépendant de sa dernière consommation de drogue, ne s'entachant plus ou pas, ne voyant les gens que comme un moyen d'avoir de l'argent plus rapidement. Parfois des jeunes, amis ou connaissances apparaissent, disparaissent, tous avec les mêmes promesses de s'en sortir, tous revenant fatalement dans la rue. Aussitôt quelqu'un disparaît que quelqu’un d'autre revient, client ou junkie, tous finalement aussi dépendants les uns des autres dans une même déchéance, mais en même temps tous sont totalement obnubilés par eux mêmes, revenant sur toutes promesses même celles faites la veille peine. Dans une certaine mesure ce roman m'a rappelé toutes ces fois où j'ai tenté d'arrêter de fumer et qu'il y avait toujours quelqu'un pour me relancer ou des moments où l'envie reprenait tout le temps le dessus puisqu'en fréquentant les mêmes personnes dans les mêmes contextes les situations ont toujours tendance à se répéter. Ce livre c'est pareil en infiniment pire, ce sont des cycles qui se répètent à l'infini, jusqu'à ce que le drogué en arrive à perdre toute estime de soi et commence à envisager le suicide comme la seule délivrance possible. Je pense qu'il vaut tout les discours creux entendus à l'école; l'expérience aura toujours plus de valeur que n'importe quel discours.


Le fait que tout soit vrai, décrivant le Berlin sordide des années 70 a de quoi donner le vertige surtout que le parallèle avec ce qu'il se passe dans nos cités est facile à faire. Ce qui me fait encore perdre un peu d'amour pour l'humanité c'est aussi d'apprendre que la Scientologie, secte qui n'existe que parce qu'elle a du fric a elle aussi profité du phénomène de la dépendances à l’héroïne pour prêcher sa propre parole sous couvert d'aide à la lutte contre la dépendance (intervention qui bien sur s'avère totalement foireuse comme de bien entendu)


Je repense souvent au discours type des alcooliques anonymes qui dit quelque chose du genre "on sera toujours dépendants, on est juste en sursis" car je n'ai jamais trouvé expression plus juste. Car si la fin du roman/ témoignage laisse envisager une possible perspective d'avenir heureux pour Chrisitiane, les happy ends existent-ils vraiment dans la vraie vie?

Algernon89
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le 3 déc. 2019

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Algernon89

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