Ce livre est plus qu’un hommage, c’est un cadeau que fait Maryse Condé à Tituba, cette mystérieuse « sorcière de Salem », que l’histoire occidentale, dans son racisme, a laissée au bord du chemin.
L’autrice nous dépeint les violences inhumaines de la traite négrière : la première phrase est d’ailleurs le viol d’Abena sur un bateau d’esclaves, celui qui donnera naissance à Tituba, qui sera suivie de la pendaison de la victime quand elle essaiera de se défendre au moment où le patron de plantation tentera de réitérer le forfait du marin anglais.
Le racisme est si profondément ancré dans la société occidentale qu’il atteint même les enfants de Salem quand ils jouent la comédie pour faire condamner Tituba ; il force les opprimés à agir les uns contre les autres, à l’instar de John Indien, ou des marrons qui trahissent la tentative de révolte des nègres de la Barbade.
Mais ces opprimés savent aussi se serrer les coudes : l’histoire d’amour avec le marchand Juif est magnifique, tout aussi magnifique est la relation sororale nouée avec Esther dans les prisons de Salem : « blancs ou noirs, elle sert trop bien les hommes la vie ».
Mais ce livre, c’est aussi la magie : celle de la Barbade, terre de murmures et de mystères, à la végétation luxuriante; celle bien sûr pratiquée par Tituba, qui sait garder ses morts près d’elle, et s’en sert pour enchanter un monde chrétien austère et cruel. Tituba est sensuelle, forte, révoltée. C’est clairement une des plus grandes femmes de la littérature.