Mojot maž, en version originale, My Husband ou Mein Mann dans les traductions anglaise et allemande mais Mon cher mari, en français, avec l'ajout d'un qualificatif à prendre avec toute l'ironie qu'il mérite, à l'image du clin d’œil de la jeune femme sur la couverture du livre de la Macédonienne Rumena Bužarovska. 11 nouvelles constituent ce recueil qui décrivent le plus souvent des "ménagères de moins de 50 ans" aux prises avec un conjoint arrogant, lâche, infidèle, suffisant ou misogyne (liste non exhaustive). A quelques exceptions près, ces messieurs ont mal vieilli et leurs sentiments se sont émoussés, sans parler de choses plus intimes. Mais l'auteure va plus loin que ces portraits cruels et désenchantés, en disséquant sans aménité la fatale usure du couple et en s'en prenant à la place de la femme dans la société patriarcale de la Macédoine du Nord, sans oublier de s'attaquer parfois aux femmes elles-mêmes, qu'elles soient soumises ou rebelles. Quelques unes de ces histoires, aucune d'entre elles n'est anodine, sont comme des miniatures de romans, avec une clarté d'exposition, dès les premières lignes, qui témoignent d'une grande maîtrise. Mais attention, dans cet univers tragi-comique, si Rumena Bužarovska se montre très souvent irrésistible de drôlerie, sans lésiner sur la crudité dans certains passages, elle a aussi le chic pour créer le malaise (le rapport aux enfants) voire même des haut-le-cœur, comme dans le tout dernier récit, où elle ose tout avec un sens de la provocation digne du cinéma de Ruben Ôstlund. Le style est sans fioritures, très visuel, diablement efficace et donne l'envie de tester l'écrivaine sur la longueur d'un roman. Mais selon sa biographie (Mon cher mari est paru en 2014 en Macédoine du Nord), elle semble s'être spécialisée dans l'écriture de nouvelles, ce qui laisse au moins espérer que Gallimard nous offrira dans le futur d'autres ouvrages de sa plume tout aussi percutants.