Antoine est luthier à Paris, sur la rive droite. Un jour, l’un de ses clients ose prétendre que s’il n’est jamais allé à Belfast, il ne peut prétendre connaître l’Irlande, même après de multiples voyages à Dublin.
Vexé, Antoine saute rapidement sur l’occasion d’un déplacement dans le sud de ce pays pour prendre le train et se rendre en Irlande du Nord. Il y fait la connaissance de Jim qui deviendra l’un de ses meilleurs amis. Jim le mène chez lui et lui présente Cathy, sa femme. Le mène au pub où il fait la connaissance de Tyrone Meehan, un officier supérieur de l’IRA.
Pour Antoine, c’est le coup de foudre. Il tombe éperdument amoureux de ce bout de terre aux mains des Britanniques. Il aime ses habitants, ces catholiques vivant en territoire colonisé, ces pubs où la Guiness coule comme de l’eau, ces chants patriotiques, ces martyrs détenus à la prison de la ville pour avoir cherché à bouter l’anglais hors de leurs frontières. Une sorte de connivence s’installe entre irlandais républicains et français issus de Jeanne d’Arc.
Antoine aime l’austérité, la pauvreté, la sincérité des lieux. Il devient irlandais de cœur, visitant ses amis de façon très régulière. Il aimerait s’impliquer dans leur lutte, leur prêter main forte et ne plus se contenter d’observer. Ses relations avec Cathy, Jim et Tyrone deviennent réellement intimes. Au fil des années, ils deviennent une famille, à la vie, à la mort.
Alors quel ne fut pas le choc lorsque Tyrone avoue trahir l’IRA depuis 25 ans… Antoine est dévasté. L’homme qu’il vénérait et considérait comme un second père n’était pas ce qu’il prétendait être…
Mon Traitre est peut-être le livre le plus exceptionnel de Sorj Chalandon. Un livre d’une force inouïe, aux personnages tellement bien campés, tellement vrais qu’on jurerait les connaître personnellement. Des petites gens simples qui ne demandent rien d’autre que de vivre en paix chez eux, dans leur pays. Des gens qui s’insurgent contre la présence de blindés dans leur rue, devant leur porte, sous leur fenêtre. Des gens déterminés, prêts à être emprisonnés pour leurs idées. Ou à entamer une grève de la faim. Et à mourir. Car en face, les britanniques dirigés par la dame de fer ne sont pas moins résolus.
C’est une guerre que Sorj Chalandon décrit. Une guerre inégale qui oppose les pierres aux blindés. Une guerre totale dans laquelle nul n’hésite à frapper. Une guerre sale, grise comme le ciel, amère comme la bière.
Une écriture extraordinaire, faite de formules percutantes. Un texte riche, fort, concis. Bouleversant !
A lire absolument !