Mona Lisa s'éclate est le dernier volume de la trilogie de la Conurb, débutée avec Neuromancien et poursuivit avec Comte Zéro. Bien que les romans soient suffisamment indépendant pour être lu à part des autres, je ne saurais trop conseiller les lectures des précédents opus pour s'assurer de bien tout saisir, car même en enchaînant, cela s'avère parfois laorieux de tout suivre.

Résumer « Mona Lisa s'éclate » (titre ô combien laid) est une véritable gageure : les personnages abondent, sans lien apparent, et l'histoire ne se met en place que tardivement. En réalité, tous les éléments présents dans « Comte Zéro » atteignent ici leur paroxysme : on a réellement l'impression que l'histoire n'est que secondaire par rapport à l'univers. Cela se perçoit nettement dans le parcours des personnages, qui influent drastiquement sur la structure du roman : on parle d'eux, de leurs quotidiens, de leurs passés pourris jusqu'aux présents médiocres, faits de trahisons, de rouille et de drogue, dans un univers trop grand pour eux, partagés entre les décisionnaires déments et les exécutifs aveugles. Si « Comte Zéro » tentait de mettre en place un peu maladroitement une intrigue, ici, on sent que Gibson préfèrerait continuer son espèce d'études des moeurs futuristes tant le récit en lui-même s'arrime tardivement : on entre finalement dedans par un dialogue un peu brouillon entre Molly – encore elle ! - et le Finnois – indéboulonnable – qui glausent un peu sur ce qu'on a vu jusqu'à présent et donnent aux évènements le sens de la conspiration. Mais tout cela intervient si loin dans le roman... que finalement, cela trouble un peu cette structure narrative patiente qui dépeignait avec un réel intérêt ce futur sombre, mature et réaliste. Une étude appliquée des couches souterraines de cette société en devenir, dont on perçoit déjà les signes avant-coureurs de nos jours.
Le personnage le plus évocateur de cet état de fait est la fameuse Mona Lisa du titre, personnage central non pour son importance dans le récit – c'est bien simple, elle n'en a aucune et est témoin de tout sans pour autant interragir avec quoique se soit, se trouvant presque par accident dans l'histoire – mais bien pour son importance dans la narration – elle a le droit aux chapitres les plus intéressants, ou peu s'en faut. Mona, c'est une prostituée de 16 ans, aux ambitions plutôt réduites, aux jours plutôt pathétiques, au passé sans visage. Sa seule qualité relève de sa physionomie, proche d'une des stars du stimsim (le média de demain !), Angela Mitchell, qui, elle, est importante pour la conclusion de toute la trilogie. Au coeur d'une machination avortée, elle se voit contrainte de passer au bistouri pour ressembler davantage à Angie Mitchell. Et elle n'aura même pas l'occasion d'être exploitée, puisque les conspirateurs seront dévoilés et dûment assassinés. Finalement, même le destin de cette fameuse Mona sera, quelque part, à l'inverse complet de ce qu'elle prétendait vouloir : à l'image du récit qui se voit contraint d'être modifié pour s'attreindre l'obligation de raconter autre chose que ce qu'il désirait à l'origine et se voit ensuite vendu presque contre son gré, s'adaptant à cette nouvelle situation au point de croire que c'est ce qu'il voulait à l'origine. Alors qu'à l'origine, il n'avait qu'une vocation : raconter un monde, des êtres qui le peuplent, la morosité, l'angoisse, la désillusion de quelques laissés-pour-compte.

En conclusion, « Mona Lisa s'éclate » jouit des mêmes tares que « Comte Zéro », sans doute en pire même : une intrigue biscornue, très obscure et dont finalement le lecteur n'aura jamais l'entièreté des éléments pour la comprendre stricto sensu. Pire ici, on ne sait jamais trop le pourquoi du comment, et on assiste à la conclusion sans réellement savoir ce qu'il s'est passé. Et pourtant, ce roman est bien plus mature que « Comte Zéro », ses personnages sont mieux construits, sa démonstration de son univers, de son ambiance est plus intéressante, plus mature. Au point que même Mona finisse par nous être sympathique, symbole (mort-)vivant du cyberpunk dans ce qu'il a de plus désespéré.
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le 7 oct. 2011

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