Une novella quasi-autobiographique, à replacer dans son contexte historique et "local".
Ces médecins de campagne en Russie étaient isolés, à la disposition de tous à toute heure, et devaient pratiquer tous les actes médicaux seuls (avec juste des "assistants").
Impossibilité d'être fatigué, de s'arrêter, d'être malade, même.
Du coup, la douleur ressentie par Poliakov et à l'origine de sa dépendance devient "intolérable". Forcément. Et le soulagement de sa souffrance le prétexte (justifié, en fait) à commencer la prise de morphine.
Le récit, autobio (sauf la fin), donc, est tellement réaliste qu'on est pris dedans. La descente aux enfers du Dr Poliakov, aka Boulgakov lui-même, nous entraîne à ses côtés avec tous les mensonges et les histoires qu'il se raconte pour ne pas regarder les choses en face, comment il en vient à voler, tout en se justifiant toujours et encore.
(Cf la citation que je viens de mettre).
Le morphino-dépendant devient un cadavre ambulant qui ne pense plus qu'à se procurer sa drogue par tous les moyens. Les citations du "journal de Poliakov" sont à n'en pas douter des citations du propre journal de Boulgakov, et la censure étant passée par là, les "pages arrachées" l'ont sans doute été réellement par la censure russe.
Boulgakov s'en sortira, contrairement à son "héros" Poliakov, grâce au soutien énergique de sa femme, après un an de lutte.
C'est magnifiquement écrit, avec une grande sensibilité, un peu trop court à mon goût. Je ne connaissais pas l'auteur mais ça m'a donné envie d'en connaître plus...