À mort, amor!
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La Huitième fille m’avait laissé un tantinet sur ma faim, heureusement me voici réconcilié avec sir Terry Pratchett. Mortimer se révèle en effet à tous points de vue réjouissant. Indépendamment du fait que l’on continue à explorer le Disque-Monde, ici les guerres picrocholines des royaume de la plaine de Sto et le cottage douillet de LA MORT, on renoue surtout avec l’humour grinçant et le nonsense de l’auteur britannique.
Mortimer s’attache à mettre en scène l’un des personnages récurrents du cycle, jusque-là resté dans l’ombre, et pour cause vue le caractère ingrat de sa besogne. Vous l’aurez deviné, il s’agit de LA MORT. Le bonhomme (LA MORT est de sexe masculin) s’échine en effet à moissonner les défunts à l’issue du temps imparti à leur existence. Tombeau de tous les espoirs, réalité ultime, assassin devant qui aucune serrure ne résiste, LA MORT fait passer les âmes dans l’autre monde sans manifester aucune émotion (les émotions, c’est une histoire de glandes) ni éprouver de sentiment d’injustice. IL N’Y A PAS DE JUSTICE. RIEN QUE MOI.
Reclus hors du temps, il tient le compte des grains de vie s’écoulant dans les sabliers, n’intervenant en cartilages et en os que pour rappeler à la mort les mages, sorcières et autres sommités du Disque-monde.
Mais l’éternité, c’est long. Surtout à la fin, disait Isaac Asimov (ou Woody Allen, voire Franz Kafka, on se bouscule au portillon pour revendiquer ce trait d’esprit). LA MORT s’ennuie. Ferme. Elle aimerait faire l’expérience de la vie, s’amuser, goûter aux plaisirs de l’existence, de la bonne chère. Bref, disposer de loisirs, faire une pause dans sa besogne d’exécuteur des basses œuvres du Destin.
Pour satisfaire à ce besoin, il embauche un apprenti à la foire de Montmouton afin de lui confier l’ordre naturel du monde et prendre des vacances bien méritées. Son choix se porte sur un jeune homme empoté, naïf, rêveur et maladroit. Mortimer, Morty pour les intimes, devient ainsi le second de LA MORT. Une tâche difficile et pourtant nécessaire car il en va de la survie du monde et de la réalité. Il ne faudrait pas qu’une banale histoire d’amour, un béguin puéril ne vienne le distraire, accouchant d’une Histoire alternative fâcheuse. La réalité est têtue. Gare aux conséquences…
Avec Mortimer, Terry Pratchett trouve enfin la bonne recette. Le récit abonde en trouvailles, en bons mots et situations amusantes, tout en restant cohérent de bout en bout. On a moins l’impression de lire une succession de scénettes et davantage un récit vif, porté par de véritables personnages, pourvus de deux jambes, deux bras, une tête, et surtout une psychologie. Bien entendu, on reste dans le registre de la comédie, même si le sujet porte au drame. Sur ce point, Terry Pratchett affiche d’ailleurs un art de la satire jubilatoire. Dans sa quête, LA MORT se fait le reflet de l’humanité, dans toute son absurdité, avec un sens du ridicule qui, comme tout le monde le sait, ne tue pas.
LA MORT et surtout Morty forment un duo mémorable, mis en valeur par une galerie de personnages secondaires bien troussés. De Ysabell, la fille adoptive de LA MORT condamnée pour l’éternité à avoir seize ans (l’âge ingrat, par excellence), à Albert (aka Alberto Malik, le fondateur de l’Université invisible), domestique fidèle de la MAISON, en passant par Igné Coupefin, mage de seconde zone très porté sur la nourriture, les divers protagonistes ne manquent pas d’originalité et de charisme.
Bref, avec Mortimer je retrouve paradoxalement le moral. Rendez-vous avec Sourcellerie, le cinquième volume des « Annales du Disque-Monde ». Bientôt.
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Créée
le 5 juin 2016
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