Morwenna, lycéenne écossaise de 15 ans, connaît une adolescence difficile : sa sœur jumelle est morte et visiblement elle en tient sa mère pour responsable. Elle a fui sa maison pour retrouver son père en Angleterre, lequel avait abandonné le domicile familial peu après sa naissance et est inscrite dans une école privée anglaise où, trop différente de ses condisciples, elle subit isolement et brimades. Mais son loisir principal, la lecture, surtout de romans de science-fiction, l’amène à rencontrer d’autres lecteurs partageant sa passion. Par ailleurs, Morwenna dispose d’un pouvoir étrange : elle voit des créatures magiques (qu’elle appelle des fées ou des elfes) et peut même échanger quelques mots avec elles.
Voilà un texte étrange. D’un coté, le journal intime d’une adolescente fan de science-fiction : son parcours de lectrice soit rappellera des souvenirs à bon nombre d’entre nous qui ont découvert le genre de manière semblable avec plus ou moins les même œuvres, soit fera rêver ceux qui ont eu une jeunesse terne sans littérature. Loin de tout romanesque (les péripéties de Morwenna à l’école ou à son club de lecture sont banalement réalistes), Jo Walton joue de sa proximité, voire de sa complicité avec le lecteur pour le captiver.
De l’autre coté, l’intrigue à proprement parler du livre, basée sur la rencontre entre son traumatisme familial et son pouvoir magique apparaît déséquilibré : alors que la perte de sa sœur et le changement de foyer sont vécus par Morwenna à juste titre comme un malheur difficilement surmontable, ses capacités magiques et leur utilisation sont anecdotiques tout au long du récit jusqu’à un dénouement aussi étrange qu’expédié brutalement.
Au final, Morwenna joue avant tout la carte de la complicité, de l’appartenance à un même club, du partage d’une culture commune, pour accrocher le lecteur par les sentiments et cacher une intrigue légère et artificielle. Certes, le personnage est réussi et profondément humain (l’immense majorité du lectorat regrettera de ne pas l’avoir eu comme amie), mais il faudra attendre Farthing, une uchronie se déroulant en 1949 dans un Royaume-Uni ayant signé la paix avec Hitler en 1941, prévue pour l’année prochaine toujours chez Lunes d’Encre, pour véritablement juger des talents de romancière de Jo Walton.