La question que pourrait se poser légitimement tout lecteur avant de se plonger dans Mourir autrefois, Attitudes collectives devant la mort aux XVIIe et XVIIIe siècles est : Pourquoi choisir la mort comme objet d’investigation historique ? Il faut bien avoir à l'esprit que Michel Vovelle est un historien moderniste, spécialiste de la Révolution française et de l’histoire des mentalités, connu pour avoir écrit notamment Piété baroque et déchristianisation en Provence (1976) et La mort et l’occident de 1300 à nos jours (1983). Les titres mêmes de ses ouvrages en disent long sur son orientation historiographique. En effet, alors que les années 1970 voient triompher la « Nouvelle histoire » s’attachant à mettre en perspective des phénomènes relevant des mentalités, des représentations collectives, voire des éléments inconscients de la vie sociale, il n’est pas étonnant que Mourir autrefois, rédigé en 1974, se place au cœur de cette entreprise d'exploration des soubassements mentaux. La mort constitue alors un objet d’étude novateur s’apparentant à la superstructure - au sens marxiste du terme - et à l’inconscient collectif, tout en n'étant pas un isolat thématique, puisque les questions de la guerre, des épidémies ou de la famine rejoignent celle de la mort.

Qui dit champs de réflexion variés dit multiplicité des sources utilisées. Outre les travaux fondateurs de Philippe Ariès, les sources quantitatives de la démographie et les sources qualitatives de l’époque (Mémoires, manuels de dévotion, œuvres littéraires…) sont abondamment mobilisées par Vovelle ; lui-même reconnaît que pour aborder un tel sujet « tout est source », statistiques et iconographies comprises ! Mais ce faisceau documentaire, aussi pléthorique soit-il, finit par converger vers les textes de l’époque, que Vovelle commente au fur et à mesure. C'est donc à une triple investigation à laquelle se livre l'auteur : la mort subie, la mort vécue et les discours sur la mort forment le triptyque problématique de l'historien. L'approche chronologique voulue par celui-ci ne peut que rendre hommage aux mutations des attitudes des hommes devant la mort, car de l’effroi convulsif du début du XVIIe siècle à l’indifférence légère des Lumières, un panel de configurations et d'évolutions doit être pris en considération.

Le lecteur pourra toutefois regretter cette fixation excessive de la focale sur le commentaire des sources, au détriment d'une montée en généralité plus globale et plus synthétique. Cette objection ne portera cependant pas préjudice au mérite fondamental de l'ouvrage, qui est de nous initier à l'histoire des mentalités et des représentations, tout en nous faisant pénétrer dans un univers où l'angoisse baroque de la mort précède une certaine désinvolture libertine vis-à-vis de celle-ci, sans, pour autant, quitter les esprits.
Yananas
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le 2 juil. 2013

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