On l'aime, elle non plus.

De ses 11 ans (1957) jusqu'en 2013, Jane Birkin a tenu un journal intime. Au départ, il était adressé à son singe en peluche, Munkey, gagné par un oncle à une tombola. Ce singe l'a accompagné durant des décennies, au fil des relations de la jeune femme, jusqu'à la disparition de Serge Gainsbourg, où elle le laissera dans le cercueil de celui-ci afin qu'il le protège au-delà de la mort.
Ce présent livre se finit en 1982, alors que Birkin est enceinte de sa troisième fille, Lou, de son compagnon Jacques Doillon, et qu'elle a donc quitté Serge Gainsbourg.

Je connais bien sûr Jane Birkin chanteuse, actrice, compagne, mais jamais en tant qu'écrivain, et je dois dire que ces 450 pages ont été un délice à lire. Il s'agit d'une sélection de dates correspondant à telle année, comme des chapitres, où on voit au fond que dès ses 11 ans, elle savait déjà ce qu'elle voulait. A savoir une carrière artistique, et une vie de famille comblée.
Pour l'un, c'est une réussite, pour l'autre, c'est plus discutable, comme en témoigne la tristesse de son premier mariage avec le compositeur John Barry, qui lui donna sa première fille Kate, où on voit vraiment qu'ils avaient assez peu d'atomes crochus, lui ne se préoccupant pas de son épouse. D'ailleurs, c'est assez intime, elle exprime clairement ses désirs charnels, mais non, monsieur préférera passer son temps à dormir !
Puis vient ensuite la rencontre au départ houleuse avec Serge Gainsbourg, au moment du tournage du film Slogan, où ce dernier se montra odieux avec elle puis, touché par sa détresse et une langue française qu'elle avait du mal à maitriser, ils se rencontrèrent à un diner (alors que le réalisateur, qui avait organisé cette soirée, les laissera se débrouiller entre eux), firent la fête toute la nuit, et au moment où il l'emmène à un hôtel (où Gainsbourg avait ses habitudes !), il s'écroulera ivre mort au lit, laissant le temps à la jeune femme de s'éclipser et ainsi éviter une coucherie !

La relation avec Gainsbourg prend une grande partie du livre, et si on découvre une femme folle d'amour, qui ferait tout pour son mec, c'est aussi en creux un portrait sensible du chanteur, émotif au dernier degré, jouant le rôle de Pygmalion pour sa compagne (dans la chanson), qui se prétendait dégueulasse mais avait une hygiène irréprochable, et dont sa générosité était sans failles.
Il y a notamment tout un passage très fort sur sa première crise cardiaque, survenue au début des années 1970 où, au lieu de freiner sa dose de cigarettes et de boissons, ne faisait qu'augmenter les doses.

Jane Birkin a fait le choix de ne parler que très peu cinéma et/ou musique, mais revient sur son amitié avec Brigitte Bardot, sur ses doutes quant à sa relation avec Gainsbourg, ses filles Kate et Charlotte qui grandissent, son refus de poser nue pour Claude François dans le magazine Absolu, et tout cela avec beaucoup de lucidité, avec en plus le recul que nous lecteurs avons sur ce que sera Jane Birkin après 1982 où, naïvement, elle croyait vivre un ménage à trois avec Gainsbourg et son nouveau compagnon, Jacques Doillon.
De plus, le livre est régulièrement annoté et commenté par l'intéressée qui revient avec des décennies de recul sur tel ou tel évènement, et là aussi de manière très juste.

Je suis grand amateur de Jane Birkin, de ce qu'elle a représenté, et bien entendu de Serge Gainsbourg, mais je ne m'attendais pas à être autant captivé par cette énorme tranche de vie qui se déguste comme des tranches de gâteaux. A la fois sucrés et parfois amers.