Une vague de nostalgie m'emporte quand je tombe par mégarde sur cette suite d'une des plus grande série de livres de ma jeunesse. Mais, 20 ans après la sortie d'ERAGON, Christopher Paolini nous trompe : Murtagh est un livre à part du cycle littéraire de l'Héritage, et se développe en parallèle d'un cinquième tome.
De cette imposture découlent deux erreurs majeures, qui laissent au livre un goût amer :
I) Un rythme affreux
Nous suivons Murtagh, le demi-frère d'Eragon et antagoniste malheureux de la tétralogie originelle. Libéré du joug du roi fou Galbatorix, il parcourt l'Alagaesia en recherche d'un sens nouveau à sa vie, tout en essayant de se faire pardonner pour ses actes. Le livre fait 750 pages, et a été écrit en moins de 3 mois selon l'auteur. Malheureusement il aurait fallu plus de temps pour travailler l'histoire, qui met du temps à démarrer. Conscient que l'Héritage date de plus de 10 ans, l'auteur se sent obligé de rappeler les évènements passés. Si le contexte d'après guerre et quelques personnages auraient effectivement mérités une préface, Paolini choisit de faire du remplissage, et insère ces rappels tout au long de la première partie, ralentissant l'intrigue et notre retour dans ce monde. Le choix est d'autant plus mauvais que la plupart des personnages et évènements rappelés ne seront soit pas présent dans le livre (Eragon, Arya...) soit n'auront pas d'intérêt dans cet opus.
Cette première partie (250 pages à la louche), en plus d'être lourde à lire, semble déconnectée du gros de l'intrigue. Inintéressante, elle travaille au forceps à modifier le personnage de Murtagh pour en faire un personnage plus lisse, qui ressemble finalement à Eragon. Son dragon Thorn subit le même sort, et leurs dialogues, qui représentent la moitié du texte sont une plaie à lire : perte de temps, mièvreries : tout le contraire de la relation entre Saphira et Eragon, dans mes souvenirs en tout cas.
La deuxième partie est plus prenante, malgré toujours des dialogues insipides, des pages en trop et un rythme bâclé. Les évènements s'enchainent malgré des twists attendus et toujours une longueur inutile : j'avais déjà été déçu que la trilogie se transforme en tétralogie, causant beaucoup de remplissage pour les deux derniers opus, mais on est ici dans la même lignée avec trop de scènes qui se répètent avant un final flamboyant.
II) Un public mal ciblé
En lisant la postface de Christopher Paolini, je me suis demandé quelle était la cible de ce livre. Les lecteurs originels d'Eragon, forcément. Pourtant, ces lecteurs ont maintenant plus de 30 ans, et l'auteur fait une erreur magistrale en n'adaptant pas son écriture à leur âge, alors qu'il avait justement en main un personnage plus âgé et résolument plus passionnant qu'Eragon dans sa quête de rédemption. On sent d'ailleurs que l'auteur a hésité, sa deuxième partie tirant sur un registre horrifique bienvenu, et même une romance plus adulte. Pour autant, on reste en surface, et le livre s'adresse tout autant à une jeunesse nouvelle, qui viendra peut être lire le cycle originel. Dommage, ce n'est jamais bon de jouer sur tous les tableaux. Pour moi, comme pour beaucoup de lecteurs originels, c'est une belle déception teintée de nostalgie, et de trop d'amertume.
En conclusion :
Je ne me souvient pas que la faiblesse du cycle de l'Héritage ait été l'écriture, ou l'immersion, pourtant cet opus de 750 pages qui pourrait (devrait) aisément en faire la moitié a été pénible à lire, malgré la nostalgie de revenir en Alagaesia. L'histoire de Murtagh aurait pu être plus adulte et adaptée à un autre public, Paolini précisant bien la distinction avec Eragon, mais malgré quelques écarts dans le registre horrifique, on est bien sur une oeuvre teenage, et pas la mieux écrite, ou la mieux adaptée à l'époque. Relire Eragon est une meilleure option, en attendant que Paolini ruine sa fin avec un cinquième opus dans la vague de ce Murtagh.