Ma meilleure amie m'a prêté "My absolute darling" en me disant : "Tu verras, c'est dur, mais c'est bien", et son avis semblait alors rejoindre celui de très nombreux lecteurs. Je referme ce roman après une semaine de lecture pénible et je me dis : "C'est dur, et pourquoi est-ce bien ?".


Je ne sais pas si Gabriel Tallent a voulu montrer par ce premier roman le spectacle navrant de la décadence des ploucs américains ; en fait, je ne sais pas ce que Gabriel Tallent a voulu montrer à travers son roman, si tant est qu'il ait voulu montrer quelque chose. Personnellement, je ne vois pas en quoi l'histoire de Turtle, 14 ans, prisonnière d'un géniteur pédophile et ultra-violent, dont les progrès à l'école sont stagnants et la capacité de survie exacerbée, tout comme son goût pour les armes à feu, héritage éducatif de son enfoiré de paternel, est représentative de quelque chose de concret. Au début de ma lecture, j'ai cru que l'auteur voulait dénoncer quelque chose voire l'absurdité de la société et certains passages m'ont semblé creusés avec soin mais dès la seconde partie du roman, tout est parti est eau de boudin : quand Turtle et Jacob font naufrage sur un îlot désertique au large de la côté californienne, c'est tout le roman qui chavire et bascule dans un mauvais scénario de blockbuster hémoglobiné.


Roman noir, roman dur, comment en serait-il autrement quand on subit les scènes d'inceste et de pédophilie, de violences sur enfants, d'entraînements intensifs au tir et au maniement des armes à feu, et quand les seuls mots qui franchissent les lèvres de Martin, l'enfoiré de paternel, sont "Putain" et "Bordel de Dieu" ? Chez Tarantino, ces mots ont une résonance, ici, aucune.


"My absolute darling" raconte la lutte à mort entre un père abusif et sa fille victime du syndrome de Stockholm jusqu'à la mise à mort de l'un d'eux. Mais pour autant, je n'ai jamais eu la sensation que Gabriel Tallent voulait illustrer une lutte à mort contre la prédation sexuelle ou contre l'usage familier des armes dans les foyers américains. Il y a ce quelque chose de gratuit et de voyeur dans la précision chirurgicale de son style qui m'a agacée.


Bien sûr, il se dégage de la narration une urgence, une terreur réfrigérante, une détresse et une violence qui ne peuvent laisser insensible le lecteur le plus blasé mais la même question revient : pourquoi ? A quoi ça sert ? A qui ça sert ? La finalité de toute cette merde, de toute cette noirceur et de tout ce vice, où et quelle est-elle ?


La psychologie des personnages principaux se veut fine mais elle est grossière, inutilement complexe et alourdie par des introspections hors-de-propos pas même justifiées par l'urgence à survivre de Turtle. C'est complaisant et surjoué, l'auteur prépare ses effets comme un magicien le lapin caché dans son chapeau. Les descriptions de la nature sont valables mais l'auteur donne l'impression d'être fier du moindre mot un peu érudit. Le style manque de naturel ; j'ai ressenti de la pitié pour Turtle mais pas de compassion, dommage. Si le but ultime était de faire naître chez le lecteur la rage du vengeur et du justicier, très peu pour moi, merci.


Bref, je suis arrivée au dénouement épuisée et soulagée d'en finir. Définitivement, me méfier des romans dont la première page jette à la figure du lecteur les critiques dithyrambiques des magazines. La puissance et l'authenticité unanimement vantées auront été les grandes absentes de cette expérience littéraire.

Gwen21
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le 7 juin 2020

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