Il y a des livres qu'on prend, qu'on lit et qu'on repose. Et il y a les autres. Ceux qui changent notre vie, ceux qui nous font rêver, méditer, jouir, pleurer, tout plaquer, détester ou adorer la littérature. Personnellement, j'ai lu ce livre à un moment étrange de mon existence (ça me rappelle cette citation de ce film culte que les gens sortent à tort et à travers à tel point qu'on en a tous marre, sérieux regardez d'autres films non?) et c'est ma meilleure amie que je dois remercier. Non pas parce qu'elle me l'a conseillé, mais parce qu'elle me l'a offert (donc intrinsèquement, forcée à lire, et tant mieux pour moi). J'ai quand même laissé le livre prendre la poussière avant de finalement me lancer. Changement de situation donc, entre le temps où on me l'a offert et le temps où je l'ai lu et non, il n'y a pas de hasard : je crois sincèrement avoir été manipulée par l'Univers. J'étais faite pour lire ce livre précis, à ce moment précis de mon existence si imprécise.


My Year of Rest and Relaxation est un récit de quasiment trois cent pages qui s'étend sur une année (2000-2001). La narratrice, une jeune femme de 26 ans issue de famille aisée vivant dans un quartier chic de New York, entreprend une hibernation qui durera donc un an. Sous médicaments et sous l'œil non avisé d'une docteure absolument incompétente et quelque peu perchée, la new-yorkaise alternera entre sommeil profond, rêves lucides et somnolences jusqu'à connaitre une dépendance volontaire à ses pilules, peut-être plus qu'à son hibernation. Mais n'ayez crainte, l'intrigue ne porte pas plus sur l'addiction que sur son projet initial, ce qui est un très bon point selon moi.


Avez-vous dit dépression ?


Justement, je n'en sais trop rien. D'abord parce que ça n'est jamais directement ou indirectement écrit dans le texte, malgré une allure certaine de "journal de bord" ou d'essai. Le récit n'est pas réellement fragmenté en jour ou en mois, mais il y a beaucoup d'ellipse qui replacent le sommeil comme seul vrai thème du roman. Ensuite parce que je dirais qu'il est difficile pour moi de juger un personnage aussi compréhensible, dont la démarche semble justifiée et qui entreprend quelque chose qui compte pour elle-même. Trouver son bonheur en dormant, sans vivre par définition mais sans pour autant être morte : c'est ce que le livre m'a communiqué plus qu'un personnage dépressif, indécis et à qui sa propre vie échappe. Une phrase seulement pourrait nous faire croire que seule la mort mènera à l'ataraxie mais ce n'est qu'une divagation, ça n'est pas la vraie pensée transmise ici. En un sens, c'est même rafraîchissant et original. L'écriture est drôle, sarcastique et ironique pour ce qu'on nous raconte, qui est au pire pas très très joyeux, au mieux intéressant et philosophique.


Nos deux personnages phares (la narratrice et sa meilleure amie Reva) sont sujettes au deuil (la première a perdu ses deux parents peu présents et très distants de leur vivant ; la deuxième perd sa mère). Il y a donc un vrai récit autour de cette thématique, peu approfondi mais suffisant à lui-même, puisque Reva mourra dans les attentats du 11 septembre, date à laquelle se termine notre petite aventure. Le fait que la question du deuil ne soit pas forcément très creusée va de pair avec le comportement de notre jeune amie qui n'a de cesse que de répondre à côté de la plaque face à la détresse de Reva.


Alors pourquoi j'ai aimé ?


Parce que comme je l'ai dit plus haut, j'ai lu ce livre à un moment très particulier de ma vie. J'ai le même âge, le même rapport au sommeil, les mêmes inquiétudes et les mêmes questionnements existentiels ou faussement existentiels que le livre peut exposer. Il y a tout un paragraphe sur son rapport au sommeil : ce qu'elle peut atteindre en dormant, ce qu'elle peut ignorer, laisser, poursuivre, penser, rêver... et je dois dire que j'ai rarement été en aussi parfaite harmonie avec un passage littéraire. Il y a une liberté que l'on envie, dans cette frivolité et dans l'insolence de notre dormeuse. D'ailleurs, c'est étrange à quel point j'ai pu m'attacher à un personnage aussi détestable, capricieuse et infecte. Alors peut-être que j'ai adoré ce livre pour de mauvaises raisons, il n'empêche que je me souviendrai toujours de ce roman comme d'un vrai réconfort et je resterai longtemps persuadée que personne ne m'a jamais aussi mieux comprise que ce fichu bouquin.


To Ottessa with love : Merci.

cforcarlitta
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le 8 mai 2022

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