Nager nues
7.8
Nager nues

livre de Carla Guelfenbein (2012)


  1. Sophie, dix-huit ans, vient de rejoindre son père, Diego, au Chili. La mère de Sophie est française, elle vit à Paris, et Sophie l’a quittée pour partir vivre avec son père qu’elle ne voyait presque jamais. Si Diego est au Chili, c’est pour soutenir le gouvernement Allende dont il porte fièrement les idéaux. Diego est également un homme à femmes. Sophie rencontre ses conquêtes à intervalles réguliers, mais elle n’est pas inquiète, elle sait, parce que Diego le lui a assuré, qu’elle est la seule femme importante dans sa vie.


Mais Sophie est une jeune fille fragile, anxieuse, en proie à des doutes obscurs, des paniques incontrôlables. Jusqu’au jour ou elle rencontre Morgana, une belle espagnole de quatre ans son aînée, fille d’un diplomate en poste au Chili. Morgana et Sophie sont deux cœurs fragiles, tendres, perdus au milieu d’un monde qui court et fonce dans toutes les directions, quand elles deux n’aspirent qu’à la tranquillité, la contemplation et la création.


Les deux jeunes filles deviennent inséparables. Non pas inséparables comme deux adolescentes, mais inséparables de manière absolue, entière, fusionnelle. De cette fusion naît une nouvelle Sophie, portée par l’optimisme et l’assurance de Morgana, elle quitte peu à peu sa peau de jeune fille sombre et angoissée. Semblant revivre, elle ose créer, imaginer, en hommage à sa muse. Et cette muse, Morgana, en recherche d’elle-même, de ses désirs, ses forces et ses faiblesses, trouve la paix dans ses liens avec Sophie, qui devient pour elle un îlot fixe auquel s’amarrer.


Sophie et Morgana ne sont pas amantes, elles ne s’aiment pas de cette façon. Elles s’enlaçent la nuit pour se rassurer, se donner la force d’affronter leurs démons, mais leur amour n’est pas pour autant charnel, et encore moins sexuel.


Pourtant, Nager nues est un roman d’amour. Un roman qui parle de l’amour entre une fille et son père, entre une homme et une femme, entre deux amies improbables. Mais c’est aussi un roman sur l’Histoire. L’Histoire en tant que mouvement dans lequel les personnages sont entraînés, noyés, une Histoire essentielle à l’intrigue, au dénouement, une Histoire qui influence les vies, les actions de ces personnages.


Mais revenons-en à notre histoire. Toute bonne histoire (ou presque) est à un moment ou à un autre perturbée, c’est ainsi qu’un changement se créé, qui permet de faire évoluer les situations, l’intrigue, les personnages. Ici, l’élément perturbateur est simple, presque évident. C’est la rencontre entre Diego et Morgana. Et Sophie, en tant que personnage au centre du triangle, est pleine d’amour pour l’un et pour l’autre, mais comment peut se construire cette nouvelle relation entre Diego, l’homme à femme, et Morgana, la sublime force de la nature ?


À travers cette rencontre entre ces deux personnages, à travers l’amour entre tous ces caractères puissants, tour à tour mélancoliques, tourmentés, engagés ou violents et assassins, le roman nous parle du pardon et de la tolérance, de la culpabilité. Et de la mort.


Pourquoi la mort ? Parce qu’une date, une seule, importe réellement. Le 11 septembre. 1973. 2001. Deux années, deux attentats. Et Sophie qui regarde, qui entend, qui perd, qui trouve.


Difficile d’aller plus loin sans révéler l’histoire, ses mystères et ses secrets. Difficile aussi d’expliquer mon enthousiasme pour ce roman. Une histoire d’amour sur fond de drame historique, bof. Un roman historique teinté d’une histoire d’amour (ce que j’avais trouvé dans Victus par exemple), ça oui, mais là, sur le papier… Bof.


Heureusement, ma libraire me l’a mis entre les mains, m’a dit de ne surtout pas lire la quatrième de couverture (j’ai écouté, je ne l’ai lue qu’après avoir terminé le roman, et j’ai remercié ma libraire intérieurement), et m’a assuré que j’allais aimer. Et en effet, j’ai plongé, non pas dans une histoire d’amour, mais dans un magma de sentiments atypiques, de personnages torturés, perdus, confrontés aux difficultés des choix, de les assumer quoi qu’il arrive parce que parfois, on ne peut plus revenir en arrière.


Ça n’est certes pas un roman qui explore les tréfonds de l’âme humaine, qui prétend offrir une analyse de tout le panel des sentiments humain. Mais c’est un roman qui dit avec douceur et tendresse l’amour, l’amitié, la colère et la douleur, la vie avec le passé, l’envie d’un avenir, l’angoisse du présent.


Une écriture tout en finesse, ni larmoyante, ni pathétique, mais plutôt sensuelle et intense, touchante et envoûtante.


À lire aussi, avec plein d'autres, sur : http://www.demain-les-gobelins.com/nager-nues/

GobelinDuMatin
8
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le 13 avr. 2017

Critique lue 208 fois

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